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« Macron n’a eu de cesse de créer des ponts avec l’extrême-droite »

Publié le 27/05/2022

Modifié le 16/01/2025

Fania Noël
crédit : Georges Har­ry Rouzi­er

Dans cet entre-deux élec­toral où un gou­verne­ment présen­té comme « par­i­taire » et « équili­bré » vient d’être nom­mé, nous avons souhaité recueil­lir la parole de Fania Noël. Anci­enne mil­i­tante décolo­niale désor­mais chercheuse à la New School for Social Research à New York, elle a pub­lié en mars Et main­tenant le pou­voir. Un hori­zon poli­tique afrofémin­iste, un man­i­feste qui pro­pose des pistes très con­crètes pour une révo­lu­tion sociale, fémin­iste et antiraciste. Entre­tien réal­isé par Léa Mormin-Chau­vac, jour­nal­iste et mem­bre du comité édi­to­r­i­al de La Défer­lante.

Un nou­veau gou­verne­ment vient d’être nom­mé, avec à sa tête une femme, Élis­a­beth Borne ; au min­istère de l’Éducation nationale, un homme noir, Pap Ndi­aye ; à la Cul­ture, une fran­co-libanaise proche de la gauche, Rima Abdul Malak. Com­ment avez-vous reçu ces annonces ?

Le gou­verne­ment actuel, au même titre que le précé­dent, se situe dans la lignée de la poli­tique néolibérale d’Emmanuel Macron qui n’a eu de cesse de créer des ponts avec la droite eth­no-nation­al­iste [nation­al­isme dans lequel la « nation » est définie en ter­mes d’ap­par­te­nance eth­nique], en effec­tu­ant un rebrand­ing « ni de gauche-ni de droite » du racisme et de l’hétéropatriarcat. La manière dont La République en marche com­mu­nique sur ces nom­i­na­tions ne doit pas nous faire tomber, comme les réac­tion­naires (qui attaque­nt par ailleurs ces per­son­nes par racisme et sex­isme), dans le réduc­tion­nisme iden­ti­taire. Je pense que c’est une occa­sion de met­tre en avant les antag­o­nismes idéologiques, de classe et de vision de monde, qui exis­tent entre des per­son­nes qui parta­gent la même iden­tité raciale et qui dévelop­pent par­fois des analy­ses qui sem­blent proches a pri­ori, comme c’est le cas par exem­ple entre Pap Ndi­aye et moi-même en tant que mil­i­tante afro-fémin­iste.

La gauche rassem­blée sous la ban­nière de la Nou­velle Union pop­u­laire écologique et sociale (Nupes) pour­rait devenir, à la faveur des lég­isla­tives, la pre­mière force d’opposition au gou­verne­ment. Com­ment, de votre côté, envis­agez-vous la lutte pen­dant les cinq années à venir ? 

Lors de la prési­den­tielle, on a eu le choix entre la supré­matie blanche et le marchep­ied de la supré­matie blanche : avoir la droite extrême (incar­née par de nou­velles fig­ures, mais avec les mêmes directeurs de cab­i­net et la même ligne poli­tique) au pou­voir au lieu de l’extrême droite va nous per­me­t­tre de gag­n­er du temps. On va essay­er d’obtenir une amélio­ra­tion des con­di­tions matérielles à court terme, c’est pour cela qu’il faut s’inscrire dans la grève, réduire le

cap­i­tal­isme sécu­ri­taire, la péni­bil­ité au tra­vail… Mais il faut aus­si un pro­jet poli­tique révo­lu­tion­naire, pour qu’on ne se perde pas. Avoir un but per­met de con­stru­ire des straté­gies poli­tiques et de définir sur quoi on va lut­ter. La rad­i­cal­i­sa­tion des con­sciences poli­tiques est néces­saire pour ten­dre vers un hori­zon de libéra­tion, de lib­erté et de jus­tice, et ne pas subir des back­lash [retours de bâtons] con­tre-révo­lu­tion­naires ou réac­tion­naires, ou des récupéra­tions bour­geois­es.

Quels out­ils poli­tiques pour­raient per­me­t­tre à cet hori­zon désir­able de devenir con­cret ? 

Il faut rejoin­dre ou créer des syn­di­cats, s’affilier à des luttes qui exis­tent déjà et aux­quelles on croit. J’avais fait un post sur Insta­gram pour expli­quer com­ment on pou­vait choisir son organ­i­sa­tion : il faut un sujet qui nous touche même dans les moments de creux. Quand les gens me deman­dent com­ment con­va­in­cre des gens qui ne sont pas Noirs lorsque l’on est afrofémin­iste, je réponds que ce n’est pas le but d’une organ­i­sa­tion afrofémin­iste. Il s’ag­it de rad­i­calis­er la con­science poli­tique des per­son­nes qui subis­sent des oppres­sions et des vio­lences, celles qui ne vont pas se démo­bilis­er dans la dernière ligne droite, mal­gré les moments de fatigue ou de pause.

 

« AVEC MACRON, ON A UNE POLITIQUE DE L’OCCUPATION PERPÉTUELLE DU TEMPS LIBRE
PAR LE TRAVAIL
 » 

 

Votre livre Et main­tenant le pou­voir est à la fois une boîte à out­ils poli­tique et un man­i­feste afrofémin­iste. De quand datez-vous l’émergence de ce mou­ve­ment qui artic­ule les luttes con­tre les dis­crim­i­na­tions sex­istes et racistes subies par les femmes noires ? 

C’est dif­fi­cile de dater pré­cisé­ment la nais­sance de l’afroféminisme, qui n’a pas été con­cep­tu­al­isé par une seule per­son­ne. L’émergence des réseaux soci­aux a per­mis que nos idées indi­vidu­elles s’incarnent dans des grou­pus­cules informels, et les pre­mières organ­i­sa­tions afrofémin­istes sont apparues autour de 2012. Être afrofémin­iste, ce n’est pas être une femme noire fémin­iste : cer­taines femmes noires détes­tent l’afroféminisme, d’autres sont fémin­istes mais pas afrofémin­istes. L’afroféminisme est un posi­tion­nement poli­tique et non une iden­tité raciale ou de genre.

En l’occurrence, les per­son­nes qui ont cofondé des organ­i­sa­tions afrofémin­istes mil­i­taient dans des mou­ve­ments panafricains, des organ­i­sa­tions noires, ou encore sur les ques­tions de san­té qui touchent les com­mu­nautés noires… C’est pour cela qu’on y retrou­ve une grande ligne inter­na­tion­al­iste. Con­traire­ment à ce qu’on entend sou­vent, il n’y a pas vrai­ment eu de mou­ve­ment d’autonomisation ou de sépa­ra­tion par rap­port aux organ­i­sa­tions fémin­istes, mais plutôt des rap­ports d’opposition, de débat, de col­lab­o­ra­tion.

Vous dites qu’une poli­tique afrofémin­iste serait une poli­tique du temps libre. De quoi s’agit-il ? 

Emmanuel Macron essaie de nous pren­dre du temps, même celui de la fin de vie [avec son pro­jet de réforme des retraites]. C’est une poli­tique de l’occupation per­pétuelle du temps libre par le tra­vail ; or, quand on est une femme, la sphère domes­tique représente aus­si un tra­vail. Il faut penser le temps libre par rap­port à la notion de famille, de cou­ple, de tra­vail domes­tique. Qui a droit au temps libre ? Jeunes femmes, on nous demandait sou­vent si nous n’avions pas quelque chose à faire lorsque nous étions inoc­cupées : le dilet­tan­tisme est sus­pect lorsqu’on est une femme ou une mère. La poli­tique du temps libre passe par la col­lec­tivi­sa­tion du temps : pen­dant ses moments disponibles, chacun·e prend en charge une activ­ité que d’autres n’ont pas le temps de faire – des résumés de lec­tures, la garde des enfants, du tra­vail admin­is­tratif. L’idée est de pouss­er les gens à ne pas inve­stir de temps dans la con­fronta­tion ou la péd­a­gogie avec les oppresseurs, mais de génér­er du temps utile pour soi qui per­met de réfléchir à sa pro­pre con­di­tion, de rêver de nou­veaux hori­zons. Ou de ne rien faire.

📖 ⟶ Et main­tenant le pou­voir. Un hori­zon poli­tique afrofémin­iste, Cam­bourakis, 2022, 128 pages, 15 euros.

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Léa Mormin-Chauvac

Journaliste et autrice, elle est membre du comité éditorial de La Déferlante. Entre la Martinique et l’Hexagone, elle travaille notamment sur les mouvements féministes noirs et postcoloniaux. Voir tous ses articles


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