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Au Maghreb la révolte des mots

Arabe clas­sique, arabe pop­u­laire, berbère, français, anglais irriguent les par­lers au Maroc, en Algérie et en Tunisie. Le lan­gage est au cœur des réflex­ions d’une nou­velle généra­tion de fémin­istes et de queers qui veu­lent réha­biliter les vari­antes pop­u­laires pour libér­er la parole.
Publié le 02/05/2025

Calligraphies : Tendre Rancune pour La Déferlante
Cal­ligra­phie for­mant le mot « Résis­tance ». Crédit de l’im­age : Ten­dre Ran­cune pour La Défer­lante.

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°18 Édu­quer, parue en mai 2025. Con­sul­tez le som­maire

À Tunis, au micro, trois jeunes hommes tunisiens par­lent de leur rap­port à leur corps, pré­cisé­ment à leur pénis. L’un d’eux témoigne : « Zebi… » (« Ma bite… »). Face aux regards inter­loqués qu’il vient de déclencher, le jeune homme laisse sa phrase en sus­pens. « Non, évite ce terme vul­gaire en dialecte, inter­vient Mohamed Tri­ki.

Je le retir­erai au mon­tage. Utilise plutôt le terme en arabe clas­sique, s’il te plaît. » Le jeune homme reprend, rem­place le terme pro­scrit par « kadib » (« pénis »), un mot qu’il n’utilise jamais au quo­ti­di­en.

Mohamed Tri­ki, étu­di­ant tunisien de 23 ans, a créé en 2021 le pod­cast Bor­jouliya, traduis­i­ble par « avec viril­ité », qui cumule 15 000 écoutes – prin­ci­pale­ment de femmes. Par­tant de son ressen­ti face aux injonc­tions faites aux hommes, désireux de faire tomber les stéréo­types, Mohamed Tri­ki décon­stru­it la mas­culin­ité tra­di­tion­nelle tunisi­enne. Dans ce « pod­cast 100 % tunisien », fondé sur des témoignages ou des avis d’experts, on passe de l’arabe dialec­tal à l’arabe clas­sique, au français ou à l’anglais, en fonc­tion de la tech­nic­ité du mot, de son usage. Cette scène de micro-trot­toir illus­tre le ter­rain miné de la langue et de la libéra­tion de la parole au Maghreb. Com­ment décon­stru­ire le patri­ar­cat quand les mots courants de l’intime sont jugés injurieux et inaudi­bles ?


« Lorsque je par­le de sexe, je le fais de manière chirur­gi­cale. Je n’arrive pas à exprimer mes besoins dans ma langue mater­nelle. »

Mohamed Tri­ki, pod­cas­teur tunisien

Au Maghreb, les vari­antes locales de l’arabe sont désignées sous le voca­ble dar­i­ja, qui sig­ni­fie « d’usage courant ». Chaque pays, voire chaque région, par­le sa pro­pre dar­i­ja. L’arabe clas­sique ou arabe lit­téraire, al-fuṣḥā, est la langue offi­cielle ; appris à l’école, il est com­pris par la majorité de la pop­u­la­tion, mais n’est pas util­isé au quo­ti­di­en, et appar­tient au reg­istre soutenu.

Si la dar­i­ja a con­nu de fortes expan­sions dans les milieux cul­turels engagés des années 1970, et qu’elle n’a jamais cessé d’irriguer divers courants d’expression cul­turelle poli­tisée, elle reste mar­quée par un « stig­ma lin­guis­tique », analyse la chercheuse en anthro­polo­gie Cyrine Boua­ji­la. Longtemps perçue comme une « langue de la rue », elle est reléguée der­rière l’arabe clas­sique, qui incar­ne l’autorité insti­tu­tion­nelle, et du français, perçue comme la langue de l’élite.

Dans les années 1960, les lin­guistes con­sid­éraient le Maghreb en sit­u­a­tion de diglossie, une cohab­i­ta­tion de deux langues aux statuts dif­férents. Le rap­port aux langues a depuis changé, et ces experts par­lent aujourd’hui plus volon­tiers de con­tin­u­um lin­guis­tique pour décrire la façon dont l’arabe clas­sique et la dar­i­ja s’interpénètrent et se com­plè­tent, créant dif­férents niveaux de langue com­muné­ment employés.

Depuis les indépen­dances, la dar­i­ja est au cœur des réflex­ions fémin­istes : quelle langue pour porter les luttes ? Dans les années 1970, les mil­i­tantes fémin­istes s’exprimaient surtout en français ou en arabe clas­sique, tan­dis qu’aujourd’hui la dar­i­ja est un out­il d’expression courant par­mi les mil­i­tantes, mais aus­si pour de nou­velles reven­di­ca­tions, notam­ment dans la défense des droits des per­son­nes LGBTQIA+. La dar­i­ja con­quiert, pro­gres­sive­ment, de nou­veaux espaces.

Si les mou­ve­ments fémin­istes dans la région ont creusé leur sil­lon, l’essor des réseaux soci­aux a favorisé de nou­velles passerelles avec les mou­ve­ments occi­den­taux, ren­forçant la dar­i­ja comme langue de mobil­i­sa­tion.

Méri­am Cheikh, maîtresse de con­férence en anthro­polo­gie à l’Institut nation­al des langues et civil­i­sa­tions ori­en­tales (Inal­co), analyse ce phénomène : « Au Maroc, l’ancienne généra­tion de fémin­istes ne mépri­sait pas la dar­i­ja, mais ne l’utilisait pas comme un out­il, con­traire­ment à la nou­velle généra­tion, issue des print­emps arabes [en 2011], qui s’en empare. Les réseaux soci­aux et les pod­casts ont démoc­ra­tisé son usage et ont ren­du vis­i­bles ses lim­ites. » Les réseaux soci­aux ont égale­ment favorisé l’emploi de la gra­phie arabe pour écrire en dar­i­ja. « La dernière vague fémin­iste veut lever les tabous, par­ler du viol, du con­sen­te­ment, des fémini­cides, ce qui pousse la dar­i­ja à se trans­former », ajoute la chercheuse.

Exprimer les identités plurielles

La gra­phie inclu­sive est un sujet auquel se sont intéressé·es les fémin­istes et activistes de langue arabe. Dif­férents procédés exis­tent, assez sim­i­laires à ceux dévelop­pés en Occi­dent. Dès 2013, Khookha McQueer, militant·e tunisien·ne LGBTQIA+, partage sur Face­book des textes en dialecte tunisien sur son vécu de per­son­ne non binaire dans l’espace pub­lic.

Inspiré·e par des lec­tures anglo-sax­onnes, Khookha pub­lie d’abord ses posts en anglais, util­isant les pronoms et les con­cepts liés à la tran­si­d­en­tité. « Pour des raisons poli­tiques de réap­pro­pri­a­tion, j’ai com­mencé à traduire ces idées en dar­i­ja, mais j’ai vite été confronté·e au manque de mots ou à leur charge insul­tante », explique-t-iel. « Non-binaire » existe en arabe clas­sique, al-lath­nayi, mais est peu con­nu : « Le mot sem­ble tech­nique, répul­sif. » L’activiste décide de créer des néol­o­gismes pour exprimer la plu­ral­ité de son iden­tité. Iel puise dans la pronon­ci­a­tion de la dar­i­ja de l’île tunisi­enne de Djer­ba pour inven­ter un nou­veau pronom : houmen1Inspiré de  houm (eux), équiv­a­lent
du pluriel they anglais pour désign­er la non-bina­rité.
, équiv­a­lent du « elleux » français.

Khookha McQueer ne s’arrête pas aux pronoms : en 2020, avec l’association Avo­cats sans fron­tières, iel par­ticipe à la rédac­tion d’un guide de ter­mi­nolo­gie sur le genre et la sex­u­al­ité à des­ti­na­tion des avocat·es tunisien·nes. En Tunisie, l’article 230 du Code pénal crim­i­nalise les rela­tions homo­sex­uelles : « Pour défendre leurs client·es, les avocat·es ont con­staté qu’il n’y avait que des mots dén­i­grants pour désign­er l’homosexualité – le terme “sodomite” est d’ailleurs très util­isé en droit », pour­suit Khookha McQueer. Les ter­mes désig­nant l’homosexualité mas­cu­line en dar­i­ja tunisi­enne sont nom­breux, « déri­vant de l’arabe clas­sique ou médié­val comme “mībūn” […] ou “mkhan­nath” (efféminé) ; d’autres sont des images ou des emprunts : “mrāwī” (efféminé), “markhūf” (mou), “khāwī” (impuis­sant), “ḥṣān” (cheval), “karyū­ka” (folle/efféminée) », illus­tre la soci­olin­guiste Mariem Guel­louz2Mariem Guel­louz, « Les pra­tiques lan­gag­ières arabes à l’épreuve des homo­sex­u­al­ités », dans Frédéric Lagrange et Claire Sav­ina (dir.), Les Mots du désir. La langue de l’érotisme arabe et sa tra­duc­tion, Dia­cri­tiques Édi­tions, 2020..

Sortir de la stigmatisation

Tirail­lés entre l’invention de nou­veaux ter­mes, la cen­sure de ceux exis­tants ou leur réap­pro­pri­a­tion, les activistes du Maghreb évolu­ent selon des straté­gies dif­férentes. Le col­lec­tif Alger­ian Fem­i­nists mène ses actions en ligne en dar­i­ja algéri­enne et assure une cou­ver­ture médi­a­tique régulière des actions fémin­istes à tra­vers le pays.

Pour ces mil­i­tantes vingte­naires vivant en Algérie, utilis­er la dar­i­ja est une évi­dence : « C’est aus­si s’approprier un fémin­isme qui répond à nos besoins », pré­cisent Sarah et Kaw­tar, du col­lec­tif. Mais cette libéra­tion de la parole ren­con­tre des obsta­cles séman­tiques : « On aimerait évo­quer des choses encore plus dérangeantes, mais on n’arrive pas à les exprimer sans tomber dans la vul­gar­ité. On passe par la fuṣḥā pour par­ler du vagin, même si c’est un terme froid, ou alors on ne le dit pas. La dar­i­ja est une langue du quo­ti­di­en qui n’a pas dévelop­pé ces ter­mes », expliquent-elles. Tout comme pour Mohamed Tri­ki, du pod­cast Bor­jouliya, elles avan­cent sur un fil : men­er leur tra­vail de sen­si­bil­i­sa­tion sans heurter les sen­si­bil­ités.


« Aujourd’hui, toute une généra­tion veut rompre la chape de plomb de la hchouma, et par­ler ouverte­ment. »

Méri­am Cheikh, maîtresse de con­férence en anthro­polo­gie à l’Institut nation­al des langues et civil­i­sa­tions ori­en­tales (Inal­co)

Pen­dant le con­fine­ment lié à la crise du covid, en 2020, Soufi­ane Hen­nani, activiste pour la défense des droits des per­son­nes LGBTQIA+ au Maroc, lance son pod­cast Machi Rojo­la (« Tu n’es pas un homme ») – qui inspir­era Mohamed Tri­ki. Le chroniqueur queer priv­ilégie des invité·es « dar­i­jophones », esti­mant que recourir à l’arabe clas­sique – ou pire, à l’anglais ou au français – créerait une dis­tance avec les réal­ités vécues. Selon lui, s’exprimer dans une langue étrangère ou peu pra­tiquée au quo­ti­di­en éloigne des expéri­ences con­crètes des luttes et enferme le dis­cours dans une approche théorique.

En s’appuyant sur le con­cept soci­ologique du retourne­ment du stig­mate – une tac­tique mil­i­tante qui trans­forme l’insulte en sym­bole de fierté poli­tique, comme ce fut le cas pour les ter­mes « queer » ou « pédé » –, il cherche à réin­ve­stir des mots absents ou mar­gin­al­isés dans la langue pour les inscrire dans l’espace pub­lic. « Je suis très impres­sion­né quand des invité·es expri­ment des idées com­plex­es avec la langue du peu­ple, souligne Soufi­ane Hen­nani. Le som­met de la réus­site d’un com­bat est d’ancrer en dar­i­ja des mots qui sig­ni­fient “fémin­isme”, “queer”, “jus­tice sociale”. »

« Lorsque je par­le de sexe, je le fais de manière chirur­gi­cale. J’ai gran­di dans un envi­ron­nement où l’on ne s’exprime pas sur ce sujet. Je par­le couram­ment l’anglais et le français, mais je n’arrive pas à exprimer mes besoins dans ma langue mater­nelle », con­fie Mohamed Tri­ki.

L’impossibilité de s’exprimer en arabe sur le sexe ou l’amour est en par­tie due à la cul­ture de la hchouma, une pudeur tein­tée de honte, une peur du regard de l’autre, une sen­tence à l’égard de tout com­porte­ment déviant de la norme, qui entrave les lib­ertés indi­vidu­elles. « Il ne faut pas tout faire porter à la langue : celle-ci est, à l’inverse, révéla­trice des façons de penser », éclaire Alexan­drine Baron­ti­ni, maîtresse de con­férence en arabe maro­cain à l’Inalco. « Ce sont des sociétés qui se sont con­sti­tuées autour de la notion de pudeur et d’honneur – dans le sens où la place que l’on occupe au sein de la société a une impor­tance, ajoute Méri­am Cheikh. Ce qui est con­damnable n’est pas d’avoir des rela­tions sex­uelles hors mariage, mais de l’assumer publique­ment, trans­gress­er le silence. Aujourd’hui, toute une généra­tion veut rompre la chape de plomb de la hchouma, et par­ler ouverte­ment. »

Pour cette composition, Tendre Rancune a entremêlé les mots « militer », « féminisme », « darija » (arabe dialectal), « al-fuṣḥā » (arabe littéraire), « honte » et « fierté », en arabe.
Pour cette com­po­si­tion, Ten­dre Ran­cune a entremêlé les mots « militer », « fémin­isme », « dar­i­ja » (arabe dialec­tal), « al-fuṣḥā » (arabe lit­téraire), « honte » et « fierté », en arabe.

Dans son livre Let’s Talk About Sex, Habibi. Liebe und Begehren von Casablan­ca bis Kairo (Piper, 2022, en alle­mand unique­ment), Mohamed Amjahid, jour­nal­iste ger­mano-maro­cain, enquête sur la sex­u­al­ité en Afrique du Nord. « Il n’y a pas un Maroc, mais plusieurs. D’un côté, une pop­u­la­tion con­ser­va­trice met en avant un dis­cours religieux pour jus­ti­fi­er l’interdit sex­uel, et, de l’autre, une jeunesse remet en ques­tion les dogmes, fait la fête, est ouverte sur le monde », explique-t-il. Méri­am Cheikh rejoint cette idée et rap­pelle l’importance de ne pas « essen­tialis­er ces cul­tures ». Les nuances et les com­plex­ités cul­turelles sont nom­breuses.

Ain­si, la fuṣḥā regorge de mots pour désign­er l’amour – près d’une cinquan­taine. La dar­i­ja n’est pas en reste : le raï, ce genre musi­cal très pop­u­laire né en Algérie dans les années 1980, par­le sans détour, en dar­i­ja, de sexe et d’alcool dans une langue crue et sub­ver­sive. « Cela peut paraître para­dox­al d’hériter d’une cul­ture de la hchouma et, en même temps d’exalter le roman­tisme dans des pro­duc­tions artis­tiques, mais chaque société a ses ambiva­lences », souligne Méri­am Cheikh.

Le féminisme, un concept occidental ?

À côté du puri­tanisme socié­tal qui corsète la dar­i­ja au Maghreb, le legs colo­nial pèse aus­si de tout son poids dans l’histoire des luttes éman­ci­patri­ces. « S’emparer de la dar­i­ja, c’est surtout se réap­pro­prier le fémin­isme qui nous a été ôté à cause des guer­res et du colo­nial­isme qu’on a subis. Toutes ces années de vio­lence ont repoussé l’affirmation de nos droits dans la langue et dans nos corps, mais les femmes ont tou­jours été résis­tantes et c’est l’ADN du fémin­isme algérien », développe Sarah, du col­lec­tif Alger­ian Fem­i­nists. Pour la jeune généra­tion, employ­er la dar­i­ja est surtout une manière de démon­tr­er que le fémin­isme n’est pas un con­cept importé de l’Occident, mais une lutte qui s’inscrit dans l’histoire de la région.

Pen­dant la péri­ode colo­niale, les autorités français­es ont instru­men­tal­isé les thès­es fémin­istes pour divis­er la société, notam­ment à tra­vers la cam­pagne « J’ôte mon voile », en 1958, dans laque­lle des femmes européennes inci­taient les Algéri­ennes à se dévoil­er, asso­ciant ain­si l’émancipation des femmes aux valeurs occi­den­tales.

Cette instru­men­tal­i­sa­tion a forgé un héritage que les mil­i­tantes postindépen­dance s’efforcent de décon­stru­ire pour affirmer l’aspect his­torique de leur com­bat. « Il y a en Algérie la croy­ance que le fémin­isme est une notion étrangère, mais, en nous con­nec­tant à notre his­toire, nous décou­vrons des fig­ures fémin­istes de notre passé », indique Sarah, en citant la Kahi­na, reine-guer­rière qui, au VIIe siè­cle, a fédéré une armée pour com­bat­tre les sol­dats omeyyades, dynas­tie arabo-musul­mane qui a con­quis l’Afrique du Nord. Si elle n’était pas une fig­ure fémin­iste en son temps, elle est dev­enue un sym­bole berbère de résis­tance à l’oppression et d’émancipation des femmes repris par les militant·es fémin­istes.


« S’emparer de la dar­i­ja, c’est surtout se réap­pro­prier le fémin­isme qui nous a été ôté à cause des guer­res et du colo­nial­isme qu’on a subis. »

Sarah, du col­lec­tif Alger­ian Fem­i­nists

Soufi­ane Hen­nani place aus­si son engage­ment dans la réap­pro­pri­a­tion des langues et de l’histoire. Il s’inscrit dans la dif­fu­sion des ques­tions fémin­istes en tamazight, langue berbère longtemps mar­gin­al­isée. Sa recon­nais­sance comme langue offi­cielle a été le fruit d’une lutte de plusieurs décen­nies, et reste tar­dive : 2011 au Maroc, 2016 en Algérie.

L’imprégnation du français dans la dar­i­ja n’est pas sans amen­er certain·es locuteur·ices à s’interroger. « Même si on réfute le colo­nial­isme, le colonisa­teur n’a pas tout pris avec lui : en dar­i­ja “les règles” se dis­ent “li règles”. Nous évi­tons d’utiliser le français pour par­ler de fémin­isme, nous essayons de trou­ver son équiv­a­lent en fuṣḥā », pré­cisent Sarah et Kaw­tar.

Ces jeunes fémin­istes algéri­ennes s’inscrivent dans un mou­ve­ment citoyen plus large de décoloni­sa­tion des sociétés, des imag­i­naires et des iden­tités de genre héritées de cette époque. Avec le régime de l’indigénat, adop­té en 1881, et appliqué à l’ensemble des colonies français­es afin d’y faire régn­er le « bon ordre colo­nial », l’administration a figé les statuts juridiques en assig­nant les femmes indigènes à un rôle domes­tique sous l’autorité mas­cu­line. Par ailleurs, les lois français­es ont crim­i­nal­isé cer­taines pra­tiques, comme l’homosexualité mas­cu­line en 1941 en Algérie, alors qu’elles ne fai­saient pas l’objet des mêmes inter­dic­tions aupar­a­vant.

Beau­coup reste donc à con­stru­ire, mais, quoi qu’il en soit, la dar­i­ja, véhicule de l’expression cul­turelle con­tes­tataire, des inter­dits chan­tés dans le raï, expres­sion pop­u­laire par excel­lence, est déjà util­isée par de nombreux·ses militant·es en lutte con­tre le patri­ar­cat. •

Cet arti­cle a été édité par Sarah Ahnou.

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    Inspiré de  houm (eux), équiv­a­lent
    du pluriel they anglais pour désign­er la non-bina­rité.
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    Mariem Guel­louz, « Les pra­tiques lan­gag­ières arabes à l’épreuve des homo­sex­u­al­ités », dans Frédéric Lagrange et Claire Sav­ina (dir.), Les Mots du désir. La langue de l’érotisme arabe et sa tra­duc­tion, Dia­cri­tiques Édi­tions, 2020.
Rahma Adjadj

Journaliste indépendante et autrice de Nous, les transgressives (Les Arènes, 2023), elle explore les identités plurielles des femmes d’origine maghrébine et les dynamiques du féminisme en Afrique du Nord. Dans nos pages, elle signe le focus sur la langue arabe et les luttes féministes. Voir tous ses articles

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