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Maigrir : à quel prix ?

La jour­nal­iste Lucie Inland inter­roge l’obsession occi­den­tale de la perte de poids et l’effet des méth­odes « mir­a­cles » sur la san­té des per­son­nes gross­es. Qui ces kilos envolés soula­gent-ils vrai­ment ?
Publié le 01/05/2025

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°18 Édu­quer, parue en mai 2025. Con­sul­tez le som­maire.

Le 8 octo­bre 2024 j’ai fêté mes 37 ans avec un min­i­mum de tra­vail, une longue sieste et deux bons restau­rants. Ce même jour était mis en vente en France le Wegovy, un médica­ment amaigris­sant créé en 2021 par le lab­o­ra­toire danois Novo Nordisk.

Ce dernier est con­nu depuis 2017 pour com­mer­cialis­er l’Ozempic, un médica­ment con­tre le dia­bète, util­isé comme coupe-faim. Amy Schumer, Kim Kar­dashi­an ou encore Elon Musk ne jurent que par ces deux médica­ments qui con­ti­en­nent la même molécule – le sémaglu­tide – pour per­dre du poids rapi­de­ment.

Si vous avez lu mes précé­dentes chroniques, vous devinez déjà ma méfi­ance : pourquoi cette idée fixe de vouloir per­dre du poids par tous les moyens pos­si­bles au nom de la bonne san­té ?

Lire aus­si : Mon prob­lème ce n’est pas d’être grosse, mais d’être mal soignée


Le Wegovy se présente sous la forme d’une solu­tion injectable en sty­lo prérem­pli, à rai­son d’une dose heb­do­madaire à vie pour faire maigrir puis main­tenir la perte de poids. Il est pre­scrit sous con­di­tions aux per­son­nes de moins de 65 ans présen­tant un indice de masse cor­porelle (IMC)1L’indice de masse cor­porelle ou IMC per­met de clas­si­fi­er les per­son­nes selon leur cor­pu­lence.

d’au moins 35 que le change­ment d’alimentation et d’hygiène de vie ne suf­fit pas à faire maigrir.

Les effets sec­ondaires sont plus ou moins sup­port­a­bles : fatigue, trou­bles diges­tifs et thy­roï­di­ens. Et le traite­ment coûte 300 euros men­su­els – rem­boursés à 65 % par la Sécu­rité sociale.

La quête du médica­ment mir­a­cle con­tre la grosseur – je préfère ce mot au terme médi­cal d’obésité – date d’il y a au moins soix­ante-dix ans. En 1954, la télé améri­caine dif­fuse une pub­lic­ité pour le Calo­Met­ric, un traite­ment « mer­veilleux » per­me­t­tant de maigrir en « dix jours » sans restric­tion. Impos­si­ble de retrou­ver sa com­po­si­tion mais je mise sur des amphé­t­a­mines, répan­dues à l’époque, dont on ignore alors la dan­gerosité (dépen­dance, trou­bles neu­ropsy­chologiques et car­dio­vas­cu­laires).

Le suc­cès des coupe-faim de ce genre coïn­cide avec la déci­sion des com­pag­nies d’assurances, comme la MetLife en 1959, de sanc­tion­ner finan­cière­ment sa clien­tèle de per­son­nes gross­es. Il devient à cette époque urgent de maigrir pour alléger ses dépens­es et redor­er son image sociale.

Médicaments, chirurgie…

En France, dans les années qui suiv­ent, le lab­o­ra­toire Servi­er met au point plusieurs médica­ments amaigris­sants, dont le Medi­a­tor, com­mer­cial­isé à par­tir de 1976. Ce dérivé d’amphétamines des­tiné ini­tiale­ment aux dia­bé­tiques en sur­poids est util­isé comme coupe-faim et fréquem­ment pre­scrit à des per­son­nes qui veu­lent maigrir. En trente-trois ans de présence sur le marché, le Medi­a­tor cause – c’est une esti­ma­tion basse – entre 500 et 1 000 décès.

Il ne sera retiré de la vente qu’en 2009, grâce à l’acharnement de la pneu­mo­logue Irène Fra­chon – qui fut la pre­mière à lancer l’alerte en France quant à la dan­gerosité de son principe act­if, le ben­flu­o­rex. Fin 2023, après douze ans de procé­dures judi­ci­aires et deux procès, le lab­o­ra­toire Servi­er est finale­ment con­damné à de lour­des sanc­tions finan­cières pour escro­querie, tromperie aggravée, blessures involon­taires et homi­cides. Des ver­dicts impor­tants pour les 7 650 vic­times, à la san­té abîmée à vie, ou pour les familles des patient·es décédé·es qui s’étaient con­sti­tuées par­ties civiles dans le procès.

Avec l’affaire du Medi­a­tor en tête, dif­fi­cile donc pour moi de me réjouir de la mise sur le marché français du Wegovy. Je souhaite de tout mon cœur qu’un tel mas­sacre n’arrive plus, mais je n’arrive pas à baiss­er la garde.

Dans la liste des méth­odes amaigris­santes pour les per­son­nes gross­es, la chirurgie baria­trique fait fig­ure de dernier recours. Égale­ment appelée « sleeve », elle serait née en 1954 sous le scalpel d’un groupe de chirurgiens de l’université du Min­neso­ta. Il s’agit de réduire l’estomac – un organe vital sain –, voire de l’amputer en grande par­tie, ce qui est tout sauf anodin.

Aujourd’hui, selon des chiffres com­mu­niqués par le cen­tre hos­pi­tal­ier de Lille, la chirurgie baria­trique présente un taux d’échec de 38 %, et ses com­pli­ca­tions sont par­fois mortelles2Selon une étude états-uni­enne parue début 2023 dans la revue Obe­si­ty, la chirurgie baria­trique peut égale­ment provo­quer des con­duites addic­tives et des sit­u­a­tions de détresse psy­chique con­duisant au sui­cide.

… et déshumanisation

L’obsession des médecins pour la perte de poids des per­son­nes gross­es va par­fois très loin. En 2009, Niko­las Chugay, chirurgien plas­tique de Bev­er­ly Hills à la répu­ta­tion dou­teuse, cou­sait sur la langue d’une patiente un patch abrasif ren­dant toute inges­tion d’aliment solide extrême­ment douloureuse. La méth­ode n’a pas été approu­vée par la Food and Drug Admin­is­tra­tion aux États-Unis, ce qui ne l’a pas empêchée de con­naître le suc­cès dans des clin­iques privées d’Amérique du Sud.

Huit ans plus tard, des chercheur·euses bri­tan­niques de l’université néo-zélandaise d’Otago imag­i­naient le Den­tal Slim Diet Con­trol, un dis­posi­tif per­me­t­tant d’attacher les molaires entre elles. À son sujet, Daria Marx, autrice et mil­i­tante con­tre la grosso­pho­bie, pré­ci­sait sur X, en juin 2021 : « C’est une mod­erni­sa­tion de l’ancienne propo­si­tion qui con­sis­tait à coudre les dents. Ça existe depuis qua­tre-vingts ans. Prob­lème : si tu vom­is tu meurs, si tu tou­ss­es tu meurs. »

L’entreprise de déshu­man­i­sa­tion des per­son­nes gross­es amor­cée par des lab­o­ra­toires ou des médecins véreux a trou­vé un écho jusque dans les pro­grammes de télévi­sion. Dans l’émission états-uni­enne « The Biggest Los­er » ou, en France, dans « Opéra­tion renais­sance », les corps en sur­poids sont mis en scène de façon irre­spectueuse et infan­til­isante : la pro­duc­tion de « The Biggest Los­er » cen­sure les scènes d’intimité entre les candidat·es car elle les juge gênantes et pousse les candidat·es à se met­tre en dan­ger par une pra­tique sportive intense et des régimes carencés.

Per­dre dras­tique­ment du poids offre-t-il une vie plus con­fort­able ? C’est en tout cas ce que pense l’autrice états-uni­enne Rox­ane Gay, qui a elle-même expéri­men­té la sleeve et expliqué publique­ment pourquoi, après quinze ans de « résis­tance », elle a finale­ment « capit­ulé ». Celle dont la prise de poids avait fait suite à un viol col­lec­tif dont elle a été vic­time à l’âge de 12 ans explique : « Je dis que mon but est de per­dre du poids, mais en réal­ité j’essaie de me sen­tir aus­si forte et puis­sante que quand je suis tombée amoureuse de la nata­tion, avant d’être agressée. Le monde qui a été inhos­pi­tal­ier pour mon corps est soudaine­ment en train de s’ouvrir. » Cette opéra­tion lui a notam­ment per­mis de mieux se déplac­er.

Lire aus­si : Ceci n’est pas un trou­ble ali­men­taire


L’argument médi­cal reste mal­gré tout à nuancer. Une étude pub­liée en novem­bre 2024 dans le British Jour­nal of Sports Med­i­cine prou­ve que la clé pour une meilleure san­té n’est pas la seule perte de poids mais avant tout une activ­ité physique régulière : mieux vaut être gros·se et marcher régulière­ment qu’être mince et ultra séden­taire.

Je ne suis per­son­ne pour juger celles et ceux qui ont recours aux traite­ments mir­a­cles ou à la chirurgie, sachant dans ma chair ce qu’est vivre dans une société grosso­phobe. Il m’arrive même de me deman­der com­ment serait mon quo­ti­di­en si je ren­trais dans un petit 40. Mais je trem­ble de con­stater que des traite­ments anti-obésité peu­vent poten­tielle­ment avoir des effets déplorables sur mon bien-être physique ou men­tal. Dans la célèbre série Nip/Tuck, Chris­t­ian Troy, un des deux chirurgiens esthé­tiques ne cesse d’humilier Lola Wlod­kows­ki, une patiente très belle et grosse qui finit par per­dre du poids… à cause d’une chimio­thérapie. « Ma mère sera fière de moi, iro­nise alors la jeune femme. Belle et pure à l’extérieur, can­céreuse et dégueu­lasse à l’intérieur. » •

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    L’indice de masse cor­porelle ou IMC per­met de clas­si­fi­er les per­son­nes selon leur cor­pu­lence.
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    Selon une étude états-uni­enne parue début 2023 dans la revue Obe­si­ty, la chirurgie baria­trique peut égale­ment provo­quer des con­duites addic­tives et des sit­u­a­tions de détresse psy­chique con­duisant au sui­cide.

Les mots importants

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Lucie Inland

Journaliste indépendante et autrice, elle s'intéresse à des sujets tels que les discriminations, la prison, les animaux de compagnie ou encore la mort. Elle puise dans ses propres expériences pour nourrir ses articles. Voir tous ses articles

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