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Grèves féministes : arrêtons tout !

Depuis les années 2010, des grèves fémin­istes mas­sives ont eu lieu en Amérique latine, en Pologne, en Espagne ou encore en Suisse. Reliant la ques­tion des vio­lences sex­istes et sex­uelles à d’autres types de vio­lence, économique notam­ment, et met­tant en évi­dence l’importance du tra­vail domes­tique et de soin pour faire tenir la société, la grève fémin­iste est une stratégie révo­lu­tion­naire. À tra­vers le monde, de nom­breux col­lec­tifs ten­tent de lui don­ner de l’ampleur.
Publié le 27/01/2025

Modifié le 22/04/2025

Sur le parcours de la grève féministe du 8 mars 2024, à Marseille. Manifestation lancée à l’appel de l’inter-orga Marseillle8Mars. Crédit : Gaëlle Matata
Sur le par­cours de la grève fémin­iste du 8 mars 2024, à Mar­seille. Man­i­fes­ta­tion lancée à l’appel de l’inter-orga Marseillle8Mars. Crédit : Gaëlle Mata­ta

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°17 Tra­vailler, parue en févri­er 2025. Con­sul­tez le som­maire.

Si elles sont rarement trans­mis­es à tra­vers les généra­tions ou relayées médi­a­tique­ment, les grèves de femmes jalon­nent l’histoire ouvrière et poli­tique, dans le monde entier. En France, des oval­istes de la soie à Lyon en 1869 aux femmes de cham­bre de l’Ibis Batig­nolles à Paris de 2019 à 2021, en pas­sant par les cig­a­ret­tières ital­i­ennes à Mar­seille en 1887 et les trans­bor­deuses d’oranges à la fron­tière fran­co-espag­nole en 1906 (1), des mil­liers de femmes mobil­isées ont rem­porté des vic­toires majeures quant à leurs con­di­tions de tra­vail.

Aujourd’hui, dans la con­ti­nu­ité de cette his­toire, de ces mou­ve­ments, des militant·es fémin­istes se sai­sis­sent de cet out­il incon­tourn­able de la lutte syn­di­cale pour le déploy­er plus large­ment, au-delà du tra­vail salarié.

Ain­si, depuis la fin des années 2010, dans les cortèges fémin­istes à tra­vers le monde, fleuris­sent des slo­gans de grève générale par­mi lesquels : « Si on s’arrête, le monde s’arrête ». Ils font écho à l’appel à la « grève fémin­iste inter­na­tionale » lancé en Argen­tine sous l’impulsion du col­lec­tif Ni Una Menos (Pas une de moins) pour le 8 mars 2017 (pour une déf­i­ni­tion de la grève fémin­iste, con­sul­tez notre glos­saire de con­cepts). Ce jour-là, dans toute l’Argentine 500 000 per­son­nes se mobilisent, elles seront 800 000 l’année suiv­ante. Le col­lec­tif, qui lutte con­tre les fémini­cides, avait appelé à se réu­nir en assem­blée et décidé de recourir à la grève afin de reli­er les vio­lences patri­ar­cales aux vio­lences cap­i­tal­istes et impéri­al­istes. L’idée est née à la suite du fémini­cide d’une ado­les­cente de 16 ans, Lucía Pérez, droguée, vio­lée, tor­turée et assas­s­inée par plusieurs hommes cinq mois aupar­a­vant, le 8 octo­bre 2016, à Mar del Pla­ta, sus­ci­tant un émoi reten­tis­sant bien au-delà des fron­tières du pays. Dans La Puis­sance fémin­iste. Ou le désir de tout chang­er (Diver­gences, 2021), la chercheuse argen­tine Veróni­ca Gago explique que ce choix du col­lec­tif Ni Una Menos a « trans­for­mé la mobil­i­sa­tion con­tre les fémini­cides, cen­trée sur cette seule reven­di­ca­tion “Arrêtez de nous tuer”, en mou­ve­ment rad­i­cal, mas­sif, capa­ble d’établir des liens nou­veaux et de poli­tis­er le rejet de la vio­lence de manière inédite ». De vic­times, le #Noso­trasParamos (Nous nous arrê­tons) « a fait de nous des sujets poli­tiques », écrit-elle.


« Dire “ça suf­fit !” à la vio­lence, au temps qui nous file entre les doigts, ne plus accepter notre épuise­ment physique et psy­chique, qui entre­tient une exténu­ante pré­car­ité. »

Veróni­ca Gago, La Puis­sance fémin­iste. Ou le désir de tout chang­er.


Les grèves de la colère

La stratégie de la grève est adop­tée dans de nom­breux pays d’Amérique latine mais aus­si en Pologne, en 2016, suite à l’interdiction du droit à l’avortement, ou encore en Espagne. Le 8 mars 2018, répon­dant à l’appel à la grève des fémin­istes espag­noles, 5 mil­lions de per­son­nes man­i­fes­tent dans les rues à tra­vers tout le pays, dont beau­coup de femmes qui cessent le tra­vail pour la pre­mière fois de leur vie. Cette mobil­i­sa­tion inter­vient dans un con­texte de grande colère : quelques mois plus tôt, pen­dant le procès de « la Man­a­da (2) » con­tre cinq hommes qui s’étaient filmés en train de vio­l­er une jeune femme lors des fêtes de Pam­pelune en 2016, des pho­tos de la vic­time col­lec­tées par un détec­tive privé ont été ver­sées au dossier, incrim­i­nant sa tenue ou ses rela­tions sociales. En réac­tion, des man­i­fes­ta­tions ont eu lieu à Madrid, Barcelone, Val­ladol­id ou encore Séville, pen­dant que des militant·es étaient en train de mon­ter une grève fémin­iste. Les con­di­tions étaient donc réu­nies pour que celle-ci prenne de l’ampleur.

L’année suiv­ante, en 2019, la grève rassem­ble 6 mil­lions de per­son­nes. En juin, les mem­bres de la Man­a­da sont inculpés pour viol en appel. En 2022, une loi ren­forçant la lég­is­la­tion con­tre le viol est votée (3).

Autre grève fémin­iste mas­sive, le 14 juin 2019 en Suisse, où 500 000 per­son­nes se mobilisent pour lut­ter con­tre les iné­gal­ités de genre. Depuis, cet appel à la grève est recon­duit avec suc­cès chaque année à cette date (4). En France, porté par des col­lec­tifs locaux rassem­blés depuis 2020 au sein de la Coor­di­na­tion fémin­iste, le mot d’ordre com­mence à faire son chemin, notam­ment depuis le mou­ve­ment de lutte con­tre la réforme des retraites de 2023, réforme qui s’attaquait par­ti­c­ulière­ment aux femmes.

Un outil pour transformer le monde

« Il y a une tem­po­ral­ité de la grève qui met en pra­tique un refus : dire “ça suf­fit !” à la vio­lence, au temps qui nous file entre les doigts, ne plus accepter notre épuise­ment physique et psy­chique, qui entre­tient une exténu­ante pré­car­ité, écrit encore Veróni­ca Gago dans La Puis­sance fémin­iste. C’est dire non aux mille et une tâch­es que nous assumons, qui ne font qu’augmenter notre charge de tra­vail gra­tu­it et oblig­a­toire sans nous don­ner plus d’autonomie économique. C’est refuser que nos efforts et notre tra­vail restent invis­i­bles, et com­pren­dre que cette invis­i­bil­ité struc­ture un régime poli­tique fondé sur un mépris sys­té­ma­tique envers ces tâch­es-là. » La chercheuse pointe ici le cœur de ce qu’est la réap­pro­pri­a­tion fémin­iste de l’outil de la grève.

Ce refus, c’est d’abord celui de l’invisibilisation et du dén­i­gre­ment, par les sys­tèmes patri­ar­cal et cap­i­tal­iste, du tra­vail « repro­duc­tif », c’est-à-dire du tra­vail domes­tique, de soin aux autres, d’éducation. Un tra­vail en majorité assumé par les filles, les femmes et les minorités de genre, notam­ment racisées, gra­tu­ite­ment ou en échange de bas salaires, et qui les assigne à l’exploitation, la pré­car­ité, et des horaires inter­minables. Par exem­ple, en France, les femmes per­dent 38 % de leurs revenus dans les dix années qui suiv­ent l’arrivée de leur pre­mier enfant, tan­dis que ceux des hommes ne bougent pas, selon un rap­port du Con­seil d’analyse économique pub­lié le 28 novem­bre 2024. Une baisse liée en par­tie à la forte aug­men­ta­tion de tra­vail gra­tu­it qu’elles doivent assumer. Ce tra­vail – le cuida­do pour les his­panophones, le care pour les anglo­phones – per­met à la société cap­i­tal­iste de fonc­tion­ner. Il con­vient donc de le remet­tre au cen­tre, en le répar­tis­sant et en le rémunérant mieux, en le col­lec­tivisant.

Dans la lignée des fémin­ismes matéri­al­istes, marx­istes et afrofémin­istes des années 1970, les mou­ve­ments de grève fémin­iste élar­gis­sent ain­si les délim­i­ta­tions tra­di­tion­nelles de ce qui est recon­nu comme du tra­vail (5). « La grève fémin­iste, c’est la vraie grève générale », expliquent les militant·es, c’est celle qui, en revendi­quant de cess­er tout le tra­vail, qu’il soit salarié, informel ou gra­tu­it, peut blo­quer un pays, pro­pos­er une autre organ­i­sa­tion sociale, trans­former le monde. C’est une grève qui « a pri­ori ne con­cerne, en ter­mes d’intérêts directs, que les femmes et minorités de genre, mais qui se doit, pour arriv­er à ses fins, de con­cern­er l’ensemble de la classe exploitée et opprimée », écrit la mil­i­tante française Kim Atti­mon dans « De la théorie à la pra­tique, la grève fémin­iste n’est pas automa­tique » (revue Les Cahiers d’A2C – Autonomie de classe, mars 2022).

Ces mou­ve­ments vont à rebours du fémin­isme libéral, qui prône pour les femmes une « égal­ité des chances de domin­er », selon l’expression des uni­ver­si­taires Cinzia Arruz­za, Tithi Bhat­tacharya et Nan­cy Fras­er dans leur man­i­feste Fémin­isme pour les 99 %. Un man­i­feste (La Décou­verte, 2019), c’est-à-dire le pou­voir, autant que les hommes, de détru­ire la planète et les droits soci­aux ou de men­er des poli­tiques xéno­phobes en devenant cheffes de gou­verne­ment ou de multi­na­tionale. Au con­traire, il s’agit d’un fémin­isme « rad­i­cal et trans­for­ma­teur », qui vise à met­tre con­join­te­ment fin au patri­ar­cat et au cap­i­tal­isme, et qui s’allie aux mou­ve­ments antiracistes, écol­o­gistes, con­tre la trans­pho­bie…

Grand banquet féministe

Si la grève fémin­iste peut être un red­outable out­il de blocage, elle per­met aus­si « de se dégager du temps pour éla­bor­er et con­stru­ire ensem­ble le monde auquel on aspire et que l’on mérite », explique Val, du col­lec­tif NousToutes35 (NT35) à Rennes. C’est par exem­ple l’occasion d’expérimenter con­crète­ment des formes de col­lec­tivi­sa­tion du tra­vail repro­duc­tif, pour éviter de faire repos­er le soin aux enfants, entre autres, sur les ressources indi­vidu­elles de cha­cune en matière de délé­ga­tion et de négo­ci­a­tion de ce tra­vail. Et pour le faire sor­tir, un temps, de l’isolement entre qua­tre murs. NT35 a ain­si organ­isé la pré­pa­ra­tion col­lec­tive d’un grand ban­quet fémin­iste qui s’est tenu le 8 mars 2023.

À Mar­seille, la même année, des ate­liers ban­deroles en plein air ouverts aux enfants ont été organ­isés, avec de la pein­ture adap­tée. Le jour du 8 mars, sur la Zone d’occupation fémin­iste du Vieux-Port, aux côtés de stands de dif­férents col­lec­tifs, une équipe de militant·es de l’inter-orga Marseille8Mars (M8M) s’est relayée pour les garder, avec livres, crayons et jeux, dans un espace accueil­lant, avant de les embar­quer dans la man­i­fes­ta­tion à bord d’un char en palettes con­stru­it pour l’occasion et paré des ban­deroles peintes pen­dant les ate­liers.

Crédit : Joaquín Gómez Sastre / NurPhoto via AFP
Man­i­fes­ta­tion dans les rues de San­tander, dans le nord de l’Espagne, le 8 mars 2019. Cette année-là, la grève fémin­iste a rassem­blé plus de 6 mil­lions de per­son­nes dans tout le pays. Crédit : Joaquín Gómez Sas­tre / Nur­Pho­to via AFP


Un processus plutôt qu’une fin en soi

Si elle peut être spec­tac­u­laire au moment du 8 mars ou du 14 juin, la grève fémin­iste « n’est pas un événe­ment isolé, c’est un proces­sus », pour­suit Veróni­ca Gago. Comme toute grève, elle naît d’abord sur un ter­reau de luttes préex­is­tant. En Argen­tine, par exem­ple, elle s’inscrit dans une fil­i­a­tion mul­ti­ple : un mou­ve­ment des femmes ancien et renou­velé qui a lut­té pour la légal­i­sa­tion de l’avortement et con­tre les fémini­cides ; les mères et grands-mères de la place de Mai qui, depuis 1977, man­i­fes­tent pour leurs enfants et petits-enfants disparu·es de la dic­tature mil­i­taire ; les piqueteros, grand mou­ve­ment social des chômeur·euses des années 1990 con­tre les poli­tiques d’austérité. Ensuite, elle se con­stru­it par une organ­i­sa­tion à dif­férents éch­e­lons, en coor­di­na­tions nationales, assem­blées et com­mis­sions locales, inter­syn­di­cales, etc.

En Suisse romande, par exem­ple, la grève fémin­iste s’organise de façon très décen­tral­isée, sur la base d’un con­sen­sus min­i­mal autour d’une quin­zaine de reven­di­ca­tions, élaborées col­lec­tive­ment et con­signées dans un Man­i­feste auquel adhère tout col­lec­tif estampil­lé « Grève fémin­iste ». « Ça fait que, mal­gré des con­flits et des désac­cords, on lutte quand même ensem­ble », explique Vanes­sa, syn­di­cal­iste et mil­i­tante de la Grève fémin­iste du can­ton de Vaud. Il y a des col­lec­tifs dans les can­tons et les uni­ver­sités, au niveau des villes et par­fois même des quartiers, et de mul­ti­ples façons de s’approprier l’outil. En Espagne, l’organisation est peu ou prou la même.

La rela­tion aux syn­di­cats est un enjeu de réus­site impor­tant. En Suisse, la grève a vu le jour à l’initiative des syn­di­cal­istes fémin­istes, et les deux années où la mobil­i­sa­tion a été la plus mas­sive, 2019 et 2023, sont celles où s’est tenu, en amont, le con­grès fémin­iste de l’Union syn­di­cale suisse. D’un côté, les syn­di­cal­istes fémin­istes batail­lent en interne pour impos­er la grève fémin­iste à l’agenda syn­di­cal. De l’autre, elles emmè­nent les fémin­istes soutenir les mobil­i­sa­tions syn­di­cales. Dans le du can­ton de Vaud, ces liens ont payé, avec des vic­toires comme l’augmentation des salaires min­i­maux des professionnel·les de san­té et des régle­men­ta­tions sur le har­cèle­ment sex­uel.

En France, des liens se tis­sent à cer­tains endroits, plus ou moins aisé­ment. Des cortèges fémin­istes ont été organ­isés dans de nom­breuses man­i­fes­ta­tions con­tre la réforme des retraites en 2023, une par­tie des militant·es sont aus­si syndiqué·es et, en 2024, les syn­di­cats ont appelé à la grève le 8 mars. « La grève fémin­iste, ce n’est pas que le 8 mars, c’est aus­si regarder les grèves en fémin­iste, ajoute Mar­i­on de M8M, et aller soutenir les mobil­i­sa­tions des femmes de cham­bre ou du secteur de la petite enfance. »

Une mobilisation permanente

Enfin, la grève fémin­iste se con­stru­it par l’occupation quo­ti­di­enne du ter­rain, pour la faire con­naître, l’expliquer, y ral­li­er tou­jours plus de monde. À Rennes, NT35 « s’est beau­coup employé à martel­er ce mot d’ordre », explique Maria, y com­pris sous forme de chan­sons – notam­ment « sans nous le monde s’arrête », sur l’air de Freed from Desire, reprise dans toutes les man­i­fs ren­nais­es. Le col­lec­tif a « pris de la place dans la rue », au gré des man­i­fes­ta­tions, flash-mobs, col­lages, trac­tage… et a mul­ti­plié les moments de ren­con­tre et d’organisation : assem­blées, soirées, fes­ti­vals, ciné-débats, temps d’élaboration col­lec­tive et moments de trans­mis­sion d’histoires de lutte, comme le cen­te­naire de la grève des Penn Sardin de 1924 (lire l’évocation de la grève des sar­dinières dans l’en­cadré de l’ar­ti­cle “Dans le Fin­istère l’adieu au sar­dinières”).

Au-delà des journées de mobil­i­sa­tion de masse, com­ment faire pour tout chang­er ? En Suisse, après des années « la tête dans le guidon » pour organ­is­er le 14 juin, les mil­i­tantes s’interrogent. « On encour­age les gens à s’organiser toute l’année, peu importe où, asso­ci­a­tion, syn­di­cat, col­lec­tif, explique Vanes­sa, parce que ça ne va pas suf­fire de se mobilis­er juste une fois dans l’année ». L’objectif, c’est d’entretenir un « état de mobil­i­sa­tion per­ma­nent » sur le ter­rain, écrit Kim Atti­mon. Pour cela, depuis 2022, NT35 a lancé des comités dans chaque quarti­er ren­nais, en plus de l’assemblée plénière. Il s’agit de « per­me­t­tre aux per­son­nes de s’organiser à côté de là où elles vivent ou tra­vail­lent, de les touch­er au plus près de leurs prob­lé­ma­tiques, de favoris­er les échanges et la sol­i­dar­ité en lien avec les asso­ci­a­tions et col­lec­tifs du quarti­er », explique Lo, mem­bre du col­lec­tif NT35.

Pen­dant la cam­pagne élec­torale de juin 2024, les plus act­ifs de ces comités fémin­istes ont servi de sup­port pour activ­er rapi­de­ment la mobil­i­sa­tion con­tre l’extrême droite – entretenir le ter­rain, c’est aus­si une forme con­crète d’antifascisme indis­pens­able dans le con­texte actuel. « S’organiser, militer, ça peut paraître fas­ti­dieux, parce que tu t’engages à avoir des con­flits, gér­er des trucs pénibles, con­clut Mar­i­on de M8M. Mais ça fait aus­si se sen­tir moins seul·e avec sa rage, ça fait vrai­ment du bien. Dans la péri­ode poli­tique actuelle, on voit que les gens se met­tent à avoir l’intérêt pour ça. Et ça, c’est gag­né. »

Islande, 1975 : les femmes mettent le pays à l’arrêt

Ce fut un jour his­torique. Le 24 octo­bre 1975, 90 % des femmes en Islande se met­tent en grève. Elles refusent de faire à manger, de garder les enfants et d’aller au tra­vail.

Le pays tout entier est blo­qué. Les écoles, les mag­a­sins et les ban­ques ne peu­vent pas ouvrir, les usines tour­nent au ralen­ti, les com­mu­ni­ca­tions télé­phoniques ne passent pas, faute d’opératrices. Ce « jour de con­gé des femmes », comme l’ont appelé les organ­isatri­ces, rem­plit son objec­tif : mon­tr­er que le tra­vail des femmes, qui gag­nent alors 60 % de moins que les hommes, est essen­tiel au bon fonc­tion­nement de la société. Ce jour-là donc, les Islandais­es pren­nent la rue et la parole, chantent et man­gent ensem­ble, décou­vrent des brochures fémin­istes d’autres pays apportées par les hôt­esses de l’air en grève. Dans la foulée de cette grève d’une journée, les Islandais­es obti­en­nent, entre autres, le droit à l’IVG, la créa­tion de crèch­es et des gages d’égalité.

Cinq ans plus tard, en 1980, l’Islande sera le pre­mier pays au monde à élire une femme prési­dente, Vigdís Finnbo­gadót­tir – qui par­tic­i­pa à cette grève générale. Aujourd’hui, le pays est en tête des classe­ments mon­di­aux sur l’égalité de genre.


(1) Deux BD font référence à ces deux événe­ments : La Belle de mai, fab­rique de révo­lu­tions, de Mathilde Ramadier et Élodie Durand (Futur­opo­lis, 2024), et La Révolte des orangères de Thomas Azué­los (dans La Défer­lante no3, 2021).

(2) Voir le doc­u­men­taire No estás sola : Ensem­ble face à la meute d’Almudena Car­race­do et Robert Bahar, 2024.

(3) Surnom­mé « Seul un oui est un oui », le texte de loi intro­duit l’obligation d’un accord explicite. Tout acte sex­uel sans con­sen­te­ment explicite est, désor­mais, recon­nu comme un viol.

(4) La date a été choisie en écho au 14 juin 1981, jour où la Suisse accepte l’introduction du principe d’égalité entre les hommes et les femmes dans la Con­sti­tu­tion, en par­ti­c­uli­er dans les domaines de la famille, de l’instruction et du tra­vail. Dix ans plus tard, le 14 juin 1991, une grande grève fémin­iste avait eu lieu dans tout pays pour l’égalité dans le tra­vail sous le slo­gan « Les femmes bras croisés, le pays perd pied ».

(5) Lire l’article « Chez soi, tra­vail sans fron­tières ? » d’Elsa Saba­do et Sylvie Fag­nart.

Mathilde Blézat
Jour­nal­iste indépen­dante et coautrice de Notre corps nous-mêmes. Manuel fémin­iste (Hors d’atteinte, 2020) et de Pour l’auto­défense fémin­iste (Édi­tions de la dernière let­tre, 2022).

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Mathilde Blézat

Journaliste indépendante basée à Marseille, elle est coautrice du manuel féministe Notre corps nous mêmes (Hors d’atteinte 2020) et cofondatrice de la revue Panthère première. En février 2022, elle a publié Pour l’autodéfense féministe (Editions de la dernière lettre). Voir tous ses articles

Travailler, à la conquête de l’égalité

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