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Procès des violeurs de Mazan : la défense a‑t-elle tous les droits ?

Depuis le 27 novem­bre, les plaidoiries des avocat·es de la défense se suc­cè­dent au procès dit des « vio­ls de Mazan ». Pour défendre la cinquan­taine d’hommes accusés de vio­ls aggravés sur Gisèle Peli­cot, certain·es n’hésitent pas à utilis­er la provo­ca­tion et l’agressivité. Dans cette deux­ième newslet­ter de notre série con­sacrée à ce procès, nous nous deman­dons jusqu’où peu­vent aller les avocat·es qui défend­ent les auteurs de vio­lences sex­uelles. Le droit à un procès équitable est-il con­cil­i­able avec le respect des par­ties civiles ?
Publié le 05/12/2024

Modifié le 16/01/2025

Au tri­bunal d’Avignon, le 27 novem­bre 2024, les avo­cats de la défense dis­cu­tent en marge des audi­ences du procès des « vio­ls de Mazan ». Crédit pho­to : Fab­rice Chas­sery / KCS presse.

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Choqué·es. « Le grand pub­lic et les avocat·es ont été choqué·es par ces pro­pos, car ils sor­tent de la norme », admet Frédérique Morel, vice-bâton­nière à Nan­cy et mem­bre de la com­mis­sion règles et usages du Con­seil nation­al des bar­reaux.

L’avocate vise directe­ment les pro­pos de Nadia El Bourou­mi, l’une de ses con­sœurs qui défend deux accusés dans le procès des vio­leurs de Mazan et qui, le 19 sep­tem­bre 2024, a posté une vidéo où elle danse sur le refrain du morceau du groupe Wham! Wake Me Up Before You Go-Go (Réveille-moi avant de par­tir). L’avocate s’est défendue en plaidant l’humour et en arguant « qu’il faudrait se lever tôt pour [la] musel­er », mais dans un procès où la vic­time de vio­ls était sous soumis­sion chim­ique, la provo­ca­tion est à son parox­ysme.

Alors que Dominique Peli­cot et 50 autres hommes sont accusés de vio­ls aggravés sur Gisèle Peli­cot et com­para­is­sent, depuis le 2 sep­tem­bre 2024, devant la cour crim­inelle du Vau­cluse, les provo­ca­tions sont-elles déon­tologique­ment accept­a­bles ?

Nadia El Bourou­mi n’est pas la seule à déton­ner dans ce procès hyper­mé­di­atisé. Isabelle Crépin-Dehaene, autre avo­cate de la défense, a sus­cité l’indignation au sujet de la cagnotte lancée par l’influenceuse Nabil­la Ver­gara en sou­tien à Gisèle Peli­cot en par­lant sur son pro­fil LinkedIn d’« un sou­tien qui tue ». Quand Gisèle Peli­cot a demandé la clô­ture de la cagnotte, l’avocate s’est fendue d’un nou­veau post à l’égard de la star : « Dom­mage, elle aurait pu ven­dre ses seins en plas­tique. »

« Sanctionner les dérives »

Face à ces straté­gies de dén­i­gre­ment, Frédérique Morel pré­cise : « Je n’ai aucun avis sur leur manière de défendre leurs clients, elles sont totale­ment libres, mais effec­tive­ment la com­mu­ni­ca­tion sur les réseaux doit être empreinte de mod­éra­tion et de déli­catesse. »

Pour Claude Vin­cent, avo­cate au bar­reau de Nantes et coprési­dente de la récente com­mis­sion fémin­iste du Syn­di­cat des avo­cats de France (créée en 2023, elle compte 345 mem­bres), la vidéo postée par Me El Bourou­mi « est indigne. Elle ne s’inscrit pas dans l’exercice des droits de la défense et mérit­erait une sanc­tion. De façon générale, les ordres devraient davan­tage inter­venir et sanc­tion­ner les dérives sur les réseaux soci­aux ».

Pour les professionnel·les du droit, il est essen­tiel de dis­tinguer les pro­pos tenus hors et dans la salle d’audience. « [À la barre du tri­bunal] nous avons une immu­nité totale de parole, dans le respect de l’article 41 de la loi de 1881 sur la lib­erté d’expression [qui inter­dit toute­fois la diffama­tion, l’injure et l’outrage] », rap­pelle Frédérique Morel, qui ajoute que l’exercice de la pro­fes­sion doit se faire avec « dig­nité, con­science, indépen­dance, pro­bité et human­ité », selon l’article 3 du code de déon­tolo­gie des avocat·es.

 


« Ce n’est pas ren­dre ser­vice à l’accusé que d’attaquer la vic­time. »

Anne Bouil­lon, avo­cate


 

La médi­a­tique avo­cate fémin­iste Anne Bouil­lon, autrice d’Affaires de femmes. Une vie à plaider pour elles (L’Iconoclaste, 2024) insiste auprès de La Défer­lante : « Chacun·e est libre des moyens de sa défense, c’est la pierre angu­laire du procès équitable. » Cepen­dant, « ter­roris­er la vic­time, c’est très con­tre-pro­duc­tif, pour­suit-elle. L’efficacité d’un sys­tème de défense se mesure à l’aune du résul­tat obtenu, et ce n’est pas ren­dre ser­vice à l’accusé que d’attaquer la vic­time ».

« La défense est libre, mais on se lim­ite plus ou moins au regard de notre pro­pre morale et éthique », pré­cise encore Me Claude Vin­cent, avo­cate d’une par­tie civile dans le procès de Gérard Depar­dieu. « Dans ce procès, je fais face à un con­frère, Me Jérémie Assous, qui acca­ble médi­a­tique­ment les par­ties civiles avec une ligne misog­y­ne, à savoir : ces femmes por­tent de fauss­es accu­sa­tions car elles sont vénales. La lib­erté d’expression nous autorise aus­si à cri­ti­quer ces pra­tiques, et notre pro­fes­sion doit s’interroger col­lec­tive­ment. »

Le Cana­da offre un autre mod­èle de lég­is­la­tion. Afin de con­tr­er les défens­es qui por­tent atteinte à la dig­nité des femmes, la loi inter­dit depuis 1992 aux avocat·es comme au min­istère pub­lic de faire référence au passé sex­uel des vic­times d’agressions sex­uelles. « Si la vic­time a con­sen­ti à des rela­tions sex­uelles avec son parte­naire intime par le passé, il n’est pas per­ti­nent de dire qu’elle est davan­tage sus­cep­ti­ble de con­sen­tir aujourd’hui », explique Suzanne Zac­cour, chercheuse et direc­trice des affaires juridiques de l’Association nationale femmes et droit qui lutte pour les droits des femmes au Cana­da. « Ce raison­nement, établi sur des stéréo­types, est d’autant plus prob­lé­ma­tique qu’on a plus de risques d’être agressé·e sex­uelle­ment par quelqu’un avec qui on a déjà eu des rela­tions sex­uelles que par un incon­nu. »

 

Deux fois victimes

D’une manière générale, les avocat·es français·es regar­dent la lég­is­la­tion cana­di­enne avec frilosité et invo­quent des cul­tures judi­ci­aires dif­férentes. « Nous n’avons pas besoin de légifér­er là-dessus car, à mon sens, un juge ne va pas regarder une vic­time en fonc­tion de son passé », affirme la vice-bâton­nière Frédérique Morel. « Je crois qu’une bonne jus­tice ne se rend que lorsque tout a pu être dit, débat­tu et dis­cuté, et que finale­ment le ver­dict ren­du peut sus­citer l’adhésion et de la vic­time et du con­damné », com­plète Anne Bouil­lon.

Me Claude Vin­cent s’interroge égale­ment sur la per­ti­nence du texte cana­di­en : « Notre ser­ment prévoit déjà la dig­nité et la déli­catesse, donc à mes yeux, une ligne de défense misog­y­ne sort déjà du cadre. » Elle insiste : « Les président·es font la police de l’audience et doivent inter­venir quand les lignes sont franchies et qu’une vic­time se fait agress­er à la barre. » L’avocate rap­pelle par ailleurs qu’il existe une « lim­ite légale, et totale­ment mécon­nue » : la vic­tim­i­sa­tion sec­ondaire. Cette notion, apparue dans la jurispru­dence de la Cour européenne des droits de l’homme il y a une dizaine d’années, intro­duit l’idée que « la vic­time n’est pas cen­sée être une deux­ième fois vic­time, cette fois de la procé­dure judi­ci­aire ».

Dans leurs plaidoiries, les avo­cats de Gisèle Peli­cot, Antoine Camus et Stéphane Babon­neau, ont eux aus­si dénon­cé « une forme de mal­trai­tance de pré­toire ». Par exem­ple, lorsque Guil­laume de Pal­ma, l’avocat de six des accusés, a osé affirmer : « Il y a viol et viol. », Me Antoine Camus a fait val­oir que : « Cer­taines straté­gies de défense n’ont plus leur place dans une enceinte judi­ci­aire en France, au XXIe siè­cle. Si la défense est libre, elle dit aus­si ce que nous sommes. »

 

Par Sarah Bou­cault

Jour­nal­iste indépen­dante, elle s’intéresse aux sujets sur la fin de vie et tra­vaille égale­ment sur les vio­lences sex­uelles.
Voir tous ses arti­cles.

Sarah Boucault

Journaliste basée à Lorient, elle s’intéresse aux sujets en lien avec la mort : de la fin de vie au deuil en passant par le domaine funéraire. Titulaire d’un master de Genre, les sujets féministes sont au cœur de ses préoccupations. Voir tous ses articles

S’habiller, en découdre avec les injonctions

Retrou­vez le numéro 16 de la revue sur le thème « S’habiller », paru en novem­bre 2024. Con­sul­tez le som­maire.


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