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Au Groenland, des Inuites stérilisées de force

Le scan­dale n’a éclaté qu’en 2022, déclen­chant l’ouverture d’une enquête indépen­dante. Dans le Groen­land des années 1960–1970 des mil­liers d’Inuites ont subi des stéril­i­sa­tions for­cées entraî­nant de lour­des séquelles. La pho­tore­por­trice Juli­ette Pavy est allée à la ren­con­tre de plusieurs vic­times.
Publié le 21/10/2024

Modifié le 16/01/2025

Crédit photo : Juliette Pavy
« Quand on m’a mis la “spi­rale”, j’ai sen­ti comme des coups de couteau à l’intérieur. » Naja Lyberth, 62 ans, psy­cho­logue à Nuuk, la cap­i­tale du Groen­land, est l’une des pre­mières vic­times de la Spi­ralkam­pag­nen à avoir livré publique­ment son témoignage, en 2019. Elle est à l’origine d’un groupe Face­book rassem­blant des Inu­ites qui, comme elle, se sont vu pos­er, sans y avoir con­sen­ti, ce dis­posi­tif intra-utérin sim­i­laire au stérilet mais plus invasif. Crédit pho­to : Juli­ette Pavy.

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°16 S’ha­biller, parue en novem­bre 2024. Con­sul­tez le som­maire.

« Quand j’ai appris l’existence de cette cam­pagne de stéril­i­sa­tion for­cée, je me suis penchée sur ma pro­pre famille. Ma sœur et mes belles-sœurs ont cinq ans de moins que moi et n’ont jamais eu d’enfants. Pour la pre­mière fois, je leur en ai par­lé, et elles m’ont dit qu’on leur avait posé une “spi­rale”. »

Celle qui racon­te cela à Juli­ette Pavy est Mimi Karlsen, min­istre de la San­té du Groen­land. La « spi­rale » qu’elle men­tionne est un dis­posi­tif intra-utérin plus gros que le stérilet, tirant son nom de sa forme. Entre 1966 et 1975 env­i­ron, les autorités san­i­taires du Dane­mark en ont fait l’instrument d’une poli­tique con­tra­cep­tive de masse dans l’île arc­tique, demeurée sous dom­i­na­tion danoise jusqu’en 1979, date de l’obtention d’une autonomie rel­a­tive. Cette poli­tique con­tra­cep­tive s’est exer­cée sous con­trainte et très sou­vent à l’insu des pre­mières con­cernées, dont les plus jeunes n’avaient que 12 ans. Au nom d’une pré­ten­due mod­erni­sa­tion, l’objectif était d’infléchir la crois­sance démo­graphique du Groen­land, dont la pop­u­la­tion est très majori­taire­ment inu­ite. Sur ce ter­ri­toire, entre 4 500 et 9 000 jeunes filles et femmes en âge de pro­créer se sont ain­si vu pos­er ce type de stérilet. Le nom­bre de nais­sances a alors chuté de moitié. Même si la natal­ité a repris depuis, les mem­bres de la généra­tion né·es durant cette cam­pagne sont deux fois moins nombreux·ses que les autres.

L’autre par­tic­u­lar­ité de la Spi­ralkam­pag­nen (cam­pagne des « spi­rales »), c’est le silence qui l’a longtemps entourée. Il y a deux ans seule­ment, après avoir pris con­nais­sance du témoignage de Naja Lyberth, la jour­nal­iste danoise Celine Klint a réal­isé une grande enquête qui a don­né au scan­dale une ampleur médi­a­tique inédite. Pour éclair­cir les con­di­tions de cette cam­pagne de con­tra­cep­tion for­cée, le gou­verne­ment danois a ouvert en octo­bre 2022, à la demande du Par­lement groen­landais, une enquête sur une péri­ode courant jusqu’en 1991, date à laque­lle l’ancienne colonie (1) a repris en main sa poli­tique de san­té. Les con­clu­sions sont atten­dues pour mai 2025. Les vic­times, elles, restent mar­quées à vie par les con­séquences des vio­lences gyné­cologiques à car­ac­tère dis­crim­i­na­toire endurées il y a plus de cinquante ans au nom d’intérêts économiques et colo­ni­aux.

 

Crédit photo : Juliette Pavy

Sur la radio d’une patiente récupérée par Avi­a­ja Siegstad, gyné­co­logue à l’hôpital de Nuuk, appa­raît le type de stérilet util­isé pen­dant la Spi­ralkam­pag­nen. Inadap­té au corps des ado­les­centes, il était sou­vent à l’origine de douleurs, de saigne­ments, voire d’infections graves. Crédit pho­to : Juli­ette Pavy.

 

Crédit photo : Juliette Pavy

Naja Lyberth avait 13 ans seule­ment lorsqu’on lui a posé une « spi­rale », sans que ses par­ents en soient infor­més, comme les autres filles de sa classe, à Mani­it­soq, une île du sud-ouest du Groen­land. Toutes sont aus­sitôt retournées à l’école. Crédit pho­to : Juli­ette Pavy.

 

Crédit photo : Juliette Pavy

Nuuk, la cap­i­tale du Groen­land, qui compte aujourd’hui presque 20 000 habitant·es, a été moins touchée par la Spi­ralkam­pag­nen. Pour Avi­a­ja Siegstad, gyné­co­logue instal­lée dans cette ville, ce serait dû à la mix­ité de la pop­u­la­tion et au fait que les médecins locaux auraient moins adhéré à la démarche. Crédit pho­to : Juli­ette Pavy.

 

Crédit photo : Juliette Pavy

En 1973, Hol­ga Platuu, alors pen­sion­naire au col­lège de Mani­it­soq, a subi l’implantation d’une « spi­rale » à l’hôpital. L’intervention a entraîné des com­pli­ca­tions, et elle est restée stérile mal­gré le retrait ultérieur du dis­posi­tif. Crédit pho­to : Juli­ette Pavy.

 

Crédit photo : Juliette Pavy

Hol­ga Platuu mon­tre une pho­to d’elle et de ses cama­rades du col­lège de Mani­it­soq, âgées de 13 à 14 ans, qui se sont elles aus­si vu pos­er une « spi­rale », à leur insu comme à celle de leurs par­ents. Crédit pho­to : Juli­ette Pavy.

 

Crédit photo : Juliette Pavy

« À l’époque, les col­lègues pen­saient que c’était le fait de médecins peu scrupuleux, mais ils n’imaginaient pas que c’était une déci­sion poli­tique du Dane­mark », relate la gyné­co­logue Avi­a­ja Siegstad. Dans son cab­i­net, elle a reçu, dans les années 1990, nom­bre de femmes qui ont appris qu’elles étaient sous con­tra­cep­tion alors qu’elles venaient con­sul­ter pour infer­til­ité. « Les vic­times ont été visées pour leur eth­nic­ité. Les Danois­es habi­tant au Groen­land n’ont jamais eu de “spi­rale” dans ces con­di­tions. L’objectif était claire­ment de lim­iter la pop­u­la­tion groen­landaise », assure la prati­ci­enne. Crédit pho­to : Juli­ette Pavy.

 

Crédit photo : Juliette Pavy

C’est dans ce bâti­ment des archives de Copen­h­ague que la jour­nal­iste danoise Celine Klint a décou­vert en mai 2022 plusieurs doc­u­ments offi­ciels attes­tant de la mise en œuvre d’une poli­tique éta­tique de stéril­i­sa­tion de masse des Groen­landais­es dans les années 1960 et 1970. Crédit pho­to : Juli­ette Pavy.

 

Crédit photo : Juliette Pavy

Sur la pho­to qu’elle présente, Jytte Lyberth a 14 ans, l’âge auquel des soignant·es lui ont inséré un stérilet. Elle racon­te que, après une vis­ite médi­cale sco­laire, elle est allée à l’hôpital. Les soignant·es lui ont demandé d’enlever ses vête­ments, sans expli­ca­tion. Quelques mois après, elle a ressen­ti de fortes douleurs liées à la « spi­rale » et celle-ci lui a été retirée. Elle n’a jamais pu avoir d’enfants. Crédit pho­to : Juli­ette Pavy.

 

Crédit photo : Juliette Pav

Jytte Lyberth et Anelise Albrecht­sen dans la cour de l’école de Mani­it­soq, à l’entrée du bâti­ment où, à l’âge de 14 ans, après avoir passé une vis­ite médi­cale, elles ont été envoyées à l’hôpital pour l’implantation d’une « spi­rale », sans leur con­sen­te­ment. Crédit pho­to : Juli­ette Pavy.

 

Crédit photo : Juliette Pavy

« C’était vrai­ment trau­ma­tique, j’étais plongée dans un brouil­lard, je me sen­tais seule et je pleu­rais sou­vent. » À l’âge de 13 ans, alors interne dans le vil­lage de Paami­ut, au sud de Nuuk, Bula Larsen a été emmenée à l’hôpital avec une dizaine de cama­rades pour se voir insér­er une « spi­rale », là encore sans que ses par­ents soient mis au courant. Par la suite, elle a essayé pen­dant plus de sept ans de tomber enceinte : après une opéra­tion des trompes, infec­tées par la « spi­rale » trop grosse, elle a procédé à plusieurs insémi­na­tions, ten­ta­tives infructueuses et coû­teuses. Finale­ment, à 38 ans, elle a adop­té une petite fille, Avi­a­ja. Crédit pho­to : Juli­ette Pavy.

 

Crédit photo : Juliette Pavy

Hen­ri­ette Berthelsen a 15 ans sur cette pho­to. Elle en avait 13 quand on lui a implan­té une « spi­rale » à l’hôpital de Nuuk, comme à une dizaine de cama­rades, en 1966. Durant toute sa sco­lar­ité, elle a été for­cée de suiv­re un pro­gramme d’assimilation imposé par le gou­verne­ment danois pour effac­er la cul­ture inu­ite. Elle a dû démé­nag­er dès ses 11 ans pour aller à l’école en inter­nat à Copen­h­ague durant deux ans, puis à Nuuk. Elle n’a jamais pu retourn­er vivre avec sa famille dans sa ville natale. La « spi­rale » lui a causé de sévères infec­tions. Crédit pho­to : Juli­ette Pavy.

 

Crédit photo : Juliette Pavy

Sur les mains d’Henriette Berthelsen, un tatouage représente la divinité la plus impor­tante du pan­théon ani­miste inu­it : Sila, l’esprit de l’air, du cli­mat et de l’espace – le mot sig­ni­fie aus­si « con­science ». Crédit pho­to : Juli­ette Pavy.


(1) La poli­tique moné­taire, la défense et les rela­tions inter­na­tionales restent sous tutelle danoise.

S’habiller, en découdre avec les injonctions

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°16 S’ha­biller, parue en novem­bre 2024. Con­sul­tez le som­maire.


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