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Pourquoi les grosses ne portent pas de vêtements éthiques

Si les mar­ques de fast-fash­ion sont de plus en plus mis­es en cause pour les rav­ages écologiques et humains qu’elles provo­quent, elles sont les seules à pro­pos­er des vête­ments abor­d­ables en grandes tailles. La jour­nal­iste Lucie Inland dénonce ici la cul­pa­bil­ité imposée aux per­son­nes gross­es, oubliées de la mode éthique et respon­s­able.
Publié le 21/10/2024

Modifié le 16/01/2025

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Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°16 S’ha­biller, parue en novem­bre 2024. Con­sul­tez le som­maire.

La mode ne m’intéresse pas. Je m’habille surtout en noir depuis ma péri­ode goth­ique au col­lège, même si je me suis depuis éman­cipée de cette éti­quette. J’aime voir des jolis looks, mais je déteste y con­sacr­er du temps et de l’argent.

Quand on fait du 48–50, ce n’est pas sim­ple de trou­ver des vête­ments con­ven­ables. À Rennes (Ille-et-Vilaine) où je vis, je les achète dans deux enseignes qui pro­posent des tailles et coupes adap­tées à ma mor­pholo­gie – et à mes finances. Du prêt-à-porter, neuf, fab­riqué en grande quan­tité dans des con­di­tions abom­inables, je sais.

Le 14 mars 2024, les député·es ont voté à l’unanimité une propo­si­tion de loi visant à tax­er les mar­ques de fast-fash­ion, pour « réduire l’impact envi­ron­nemen­tal de l’industrie tex­tile ». Une ini­tia­tive lucide face aux dégâts écologiques, san­i­taires et humains (1) générés par ce secteur d’activité mais qui risque de pénalis­er les per­son­nes gross­es, car cette mesure se réper­cutera sur le prix final des pièces. Sou­vent plus pré­caires, selon les don­nées de l’Observatoire des iné­gal­ités, les per­son­nes gross­es seront con­traintes de pay­er plus cher les seuls vête­ments qui leur con­vi­en­nent.

En juil­let 2023, Vir­ginie Grossat, influ­enceuse taille 56, déclarait dans une vidéo sur Tik­Tok dif­fusée auprès de ses 578 000 abonné·es, qu’elle se fait con­stam­ment « détru­ire » dès qu’elle pub­lie un de ses looks en Shein, la mar­que de fast-fash­ion la plus décriée au monde pour ses pra­tiques non éthiques. « Shein pro­pose de la mode acces­si­ble, inclu­sive, pas chère, jusqu’à la taille 68. Qui peut se tar­guer d’en faire autant aujourd’hui ? »

 

Les marques craignent pour leur image

 
D’après les dernières don­nées de l’Institut français du tex­tile et de l’habillement, en France, les tailles les plus com­munes chez les femmes sont le 40 et le 42, qui con­cer­nent env­i­ron 37 % de la pop­u­la­tion fémi­nine. Dès qu’on taille plus grand que du 42, « les choses se com­pliquent », notent Daria Marx et Eva Perez-Bel­lo, fon­da­tri­ces du col­lec­tif Gras poli­tique, dans leur livre « Gros » n’est pas un gros mot (Flam­mar­i­on, 2018). À Rennes, par exem­ple, la seule enseigne où je peux acheter des pan­talons con­ven­ables est à l’extérieur de la ville, ce qui m’impose une heure de trans­ports en com­mun juste pour m’y ren­dre. Reste l’offre en ligne, comme Shein ou Asos. « En France, analy­sent Daria Marx et Eva Perez-Bel­lo, les mar­ques […] craig­nent pour leur image, mais ne se privent pas de l’argent des gros con­som­ma­teurs en pro­posant des vête­ments en ligne. »

Du côté des créateur·ices, un nom reste asso­cié à la dis­crim­i­na­tion emblé­ma­tique des per­son­nes gross­es dans la mode : celui du cou­turi­er alle­mand Karl Lager­feld, qui dirigea la mai­son Chanel pen­dant trente-cinq ans avant de créer sa pro­pre mar­que. Habitué des sail­lies grosso­phobes, il a notam­ment écrit, au sujet des polémiques sur la mai­greur des man­nequins : « Per­son­ne ne veut voir de femmes ron­des sur les podi­ums […] Ce sont les gross­es bonnes femmes assis­es avec leur paquet de chips devant la télévi­sion qui dis­ent que les man­nequins minces sont hideux (2). »

À sa mort, en 2019, la jour­nal­iste Anne Plaig­naud écrivait dans Man­i­festo XXI : « Dois-je me sen­tir en colère con­tre un homme qui, au-delà de con­tribuer active­ment à la banal­i­sa­tion de mon humil­i­a­tion et à un monde ouverte­ment hos­tile à la forme même de mon corps et de mon exis­tence, m’a pen­dant vingt ans lais­sé penser que je ne pour­rais jamais mérit­er le beau et le bon et le fier ? »

Styl­iste chez Lacoste, Sophia Lang explique au mag­a­zine Trois Couleurs qu’elle essaie « de faire [son] petit cheval de Troie […] pour y inté­gr­er des per­son­nes gross­es », comme elle. « Il y a deux ou trois saisons, on a vu une recrude­s­cence des man­nequins grande taille » telle la DJ Bar­bara Butch, égérie de Jean-Paul Gaulti­er en 2021. « Main­tenant […] Bel­la Hadid, qui incar­ne l’extrême minceur, est l’égérie de l’époque. » Les per­son­nes gross­es sont à nou­veau remisées au plac­ard. « Mais si ça n’avance pas dans la société, je ne vois pas pourquoi ça avancerait dans la mode », résume-t-elle.

 

Porter chaque pièce jusqu’à l’usure

 
D’autant que pour les gros·ses, la mode doit fournir un réel effort. « L’extension de taille, c’est une véri­ta­ble tech­nic­ité à avoir et à con­naître ; c’est com­pliqué, certes, mais on ne peut pas se cacher con­stam­ment dans la facil­ité […] Il faut enseign­er les autres mor­pholo­gies dans les écoles de mode ! », s’agace Gaëlle Pru­den­cio, influ­enceuse et créa­trice de la mar­que Ibilo­la, dans les pages du mag­a­zine Au féminin, en juil­let 2020. De son côté, Béa­trice Tachet, enseignante à l’École inter­na­tionale de mar­ket­ing de luxe, explique dans une inter­view au Parisien Étu­di­ant : « Pro­duire des grandes tailles demande une exper­tise spé­ci­fique, avec des man­nequins en plus pour faire les essayages dans les ate­liers. […] Ajoutez à cela le prix de revient de chaque pièce, et l’obligation d’avoir des stocks qui tour­nent rapi­de­ment au sein de mag­a­sins par­fois exi­gus, et vous vous retrou­vez avec des choix stratégiques en défaveur de ces grandes tailles. »

Les per­son­nes gross­es n’ont pas à porter la cul­pa­bil­ité de la fast-fash­ion. Nous galérons déjà à avoir une garde-robe com­plète qui nous plaît à peu près. Je porte chaque pièce jusqu’à l’usure – chaus­settes com­pris­es. D’autres s’organisent : Vir­ginie Grossat a mon­té un vide-dress­ing rassem­blant « presque 600 per­son­nes ». « On se retrou­ve, on a des cab­ines pour nous, on se ressem­ble toutes : ça fait un bien fou », explique-t-elle au Parisien Étu­di­ant. Des ini­tia­tives sim­i­laires essai­ment, comme à Rennes avec Gros Amours ou à Paris avec Gras Poli­tique et La Grosse Asso, qui organ­isent des événe­ments ain­si que des espaces de parole et de ren­con­tre entre per­son­nes gross­es. « Les femmes qui s’habillent en grandes tailles ont été les pre­mières à créer, cus­tomiser, upcy­cler. Elles sont pleines de ressources et se sont tou­jours réap­pro­prié la mode », souligne Béa­trice Tachet. Preuve qu’elles peu­vent, avec les moyens qu’on leur donne, être à l’avant-garde d’une con­som­ma­tion écologique et respon­s­able. •

 

Lucie Inland est jour­nal­iste indépen­dante et autrice. Elle s’intéresse à des sujets tels que les dis­crim­i­na­tions, la prison, les ani­maux de com­pag­nie ou encore la mort. Cette chronique, troisième d’une série de qua­tre, a été éditée par Diane Milel­li.

 


(1) Lire le rap­port « La mode sens dessus-dessous » de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) de 2018 et celui d’Oxfam de 2020, « L’impact de la mode : drame social, san­i­taire et envi­ron­nemen­tal ».

(2) Le Monde selon Karl, Flam­mar­i­on, 2013.

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Lucie Inland

Journaliste indépendante et autrice, elle s'intéresse à des sujets tels que les discriminations, la prison, les animaux de compagnie ou encore la mort. Elle puise dans ses propres expériences pour nourrir ses articles. Voir tous ses articles

Numéro 16 — S’habiller, en découdre avec les injonctions

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