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« Je suis devenue une leadeuse sans le vouloir »

Alors qu’en France, les élec­tions lég­isla­tives du 30 juin et du 7 juil­let ont con­fir­mé la poussée phénomé­nale du Rassem­ble­ment nation­al (RN) dans les urnes, nous vous pro­posons tout l’été une série de newslet­ters pour met­tre en lumière les résis­tances fémin­istes et citoyennes à l’extrême droite. Cette semaine, nous don­nons la parole à Gio­van­na Rin­con, mil­i­tante pour les droits des per­son­nes trans.
Publié le 26/07/2024

Modifié le 16/01/2025

Giovanna Rincon, lors de la manifestation contre la loi immigration, le 29 avril 2023 à Paris. Crédit photo : Max K Pelgrims
Gio­van­na Rin­con, lors de la man­i­fes­ta­tion con­tre la loi immi­gra­tion, le 29 avril 2023 à Paris. Crédit pho­to : Max K Pel­grims

Notre nou­veau numéro « Résis­ter en fémin­istes » sera disponible en pré­com­mande dès le 30 juil­let. Nous avons prévu un bud­get excep­tion­nel pour assur­er la rédac­tion, l’édition, la créa­tion graphique, la fab­ri­ca­tion et la dif­fu­sion de ce numéro spé­cial. Aus­si faisons-nous appel à votre sou­tien : si vous le pou­vez, faites un don à La Défer­lante.

Arrivée en France au début des années 2000, Gio­van­na Rin­con, direc­trice de l’association Acceptess‑T, est aujourd’hui une fig­ure incon­tourn­able de la lutte des droits des per­son­nes trans, séropos­i­tives et des tra­vailleuses du sexe. Alors que deux femmes trans ont été assas­s­inées début juil­let, elle nous racon­te la vio­lence qu’elle et les mem­bres de sa com­mu­nauté vivent quo­ti­di­en­nement.

« Je suis née à Bogotá en 1969 dans un quarti­er pop­u­laire, au sein d’une famille très pau­vre. Mon père était machiste et raciste et souf­frait d’une addic­tion à l’alcool. Il s’en pre­nait à ma mère mais aus­si à mon neveu que ma demi-sœur avait eu avec un homme noir. Moi, j’ai com­mencé à affirmer ma tran­si­d­en­tité à 12 ans. J’étais en six­ième et j’ai dû arrêter l’école à cause du har­cèle­ment, mais égale­ment parce que mes par­ents ne pou­vaient plus pay­er. Mal­gré cela, je me rendais compte de mes priv­ilèges d’enfant blanc et j’essayais de résis­ter aux mal­trai­tances pater­nelles en pro­tégeant ma mère et mon neveu.

Être une femme trans en Colom­bie dans les années 1990 était un acte mil­i­tant. À cette époque, j’étais en cou­ple et je ne pen­sais pas pou­voir être con­t­a­m­inée par le sida. Pour­tant j’ai été testée séropos­i­tive. Ça m’a fait l’effet d’une claque et m’a fait pren­dre con­science que l’on devait col­lec­tive­ment dévelop­per des straté­gies de survie pour rester dignes et vis­i­bles en tant que per­son­nes LGBT+ séropos­i­tives. Je me rendais à des réu­nions d’information clan­des­tines à Bogotá pour con­naître mes droits et com­pren­dre quels étaient les out­ils à ma dis­po­si­tion pour résis­ter. Le mil­i­tan­tisme a eu sur moi l’effet d’un médica­ment qui m’a per­mis de con­tin­uer à vivre avec le VIH et mal­gré les dis­crim­i­na­tions.

Travailleuse du sexe dans l’Italie de Berlusconi

En 1993 je me suis exilée en Ital­ie. J’étais tra­vailleuse du sexe (TDS) et tout de suite j’ai rejoint des col­lec­tifs mil­i­tants informels. Nous nous trans­met­tions des infor­ma­tions et ten­tions d’assurer notre sécu­rité face au rejet de la société et aux vio­lences poli­cières. La trans­pho­bie et le racisme étaient tels qu’avec trois copines trans on se fai­sait sys­té­ma­tique­ment vir­er des restau­rants où nous allions. Nous n’avions pas le droit d’exister. Quand je sor­tais de la phar­ma­cie ou du super­marché et que je croi­sais des policiers, ils m’embarquaient sys­té­ma­tique­ment au com­mis­sari­at. Cette vio­lence quo­ti­di­enne m’a empêchée de m’installer comme je l’aurais voulu en Ital­ie et m’a lais­sé de pro­fondes séquelles.


« AVEC LES JEUX OLYMPIQUES, LES TRAVAILLEUSES DU SEXE VONT ÊTRE PLUS EXPOSÉES À LA RÉPRESSION POLICIÈRE »


En 2002, une amie m’a annon­cé qu’elle était en stade ter­mi­nal du sida. J’ai organ­isé une col­lecte auprès de TDS et de per­son­nes trans pour pay­er son trans­fert en ambu­lance jusqu’à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. À par­tir de là, j’ai com­mencé à faire des allers-retours. En France, j’ai décou­vert qu’il exis­tait un mou­ve­ment LGBT+, une asso­ci­a­tion trans (Préven­tion action san­té tra­vail pour les trans­gen­res ou PASTT) et même une marche des fiertés trans. Ça me parais­sait utopique !

En mil­i­tant avec le PASTT, j’ai appris qu’il exis­tait aus­si un droit au séjour pour raisons de san­té auquel je pou­vais pré­ten­dre. En Ital­ie, avec Berlus­coni au pou­voir qui fai­sait alliance avec des par­tis d’extrême droite, être sans papiers était un délit. J’avais reçu plusieurs avis d’expulsion et fini par être incar­cérée pen­dant deux mois dans une prison insalu­bre. Je me suis donc instal­lée de l’autre côté des Alpes : ce fut un deux­ième exil très douloureux.

Entre 2006 et 2010, au sein du PASTT, j’avais peur et honte à cause de ma séropos­i­tiv­ité. J’ai cepen­dant ren­con­tré d’autres femmes trans, tra­vailleuses du sexe, migrantes et séropos­i­tives, avec lesquelles nous avons don­né nais­sance à notre pro­pre asso­ci­a­tion que nous avons bap­tisée Actions con­crètes con­ciliants : édu­ca­tion, préven­tion, tra­vail, équité, san­té et sport pour les per­son­nes trans (Acceptess‑T).

Lors de la journée de lutte con­tre le sida en 2010, j’ai, pour la pre­mière fois, pris la parole en tant que per­son­ne séropos­i­tive et je suis dev­enue une leadeuse, sans le vouloir.

Dès la créa­tion d’Acceptess‑T, on s’est ren­du compte que la plu­part des béné­fi­ci­aires, même après plus de trente années passées en France pour cer­taines, ne par­laient pas le français et ne con­nais­saient pas leurs droits. Cette sit­u­a­tion est le résul­tat des poli­tiques répres­sives qui ont atten­té à leur dig­nité et à leur san­té. Ces per­son­nes ont été déshu­man­isées alors qu’elles auraient, au con­traire, dû être enten­dues, pro­tégées et accom­pa­g­nées. À l’époque, nous avions déjà com­pris que le peu de droits que nous avions en tant que per­son­nes séropos­i­tives et migrantes allaient s’effondrer. Et mal­heureuse­ment, on a eu rai­son ! L’attribution des titres de séjour s’est réduite, la pros­ti­tu­tion a été pénal­isée par la créa­tion du “délit de raco­lage” en 2003, puis par la loi de 2016 [qui sanc­tionne les clients], et le tra­vail des TDS s’est pré­carisé. Ce “cock­tail fas­ciste” a été porté y com­pris par les social­istes et par la droite “human­iste”. Notre seule arme face à cela, en tant qu’association, est d’accompagner les per­son­nes dans leur demande de nat­u­ral­i­sa­tion, et ain­si leur don­ner une sta­bil­ité sociale et la pos­si­bil­ité de trou­ver un tra­vail sta­ble. Ce tra­vail de ter­rain effec­tué ces qua­torze dernières années est une vraie poli­tique de résis­tance face aux lois pro­hi­bi­tion­nistes, répres­sives et fas­cistes.

Déshumanisées au lieu d’être accompagnées

Grâce à ces actions, notre plaidoy­er est aujourd’hui affir­mé et audi­ble auprès des insti­tu­tions. Mais pour com­bi­en de temps ? Nous devons préserv­er l’association, ses archives, trans­met­tre nos savoirs mil­i­tants et con­tin­uer à nous bat­tre pour la dig­nité et l’intégrité des com­mu­nautés que nous défendons. Militer a tou­jours été et reste une néces­sité. Notam­ment depuis début juil­let avec l’assassinat de Géral­dine, une femme trans, TDS et migrante. La cir­con­stance aggra­vante de “vio­lence de genre” a été retenue [par les per­son­nes chargées de l’enquête] ce qui dis­qual­i­fie l’idée sur­mé­di­atisée de “panique légitime” face aux femmes trans. Il nous reste beau­coup à faire pour défendre les femmes comme Géral­dine. Nous devons nous organ­is­er, nous mobilis­er et rechercher de nou­veaux moyens financiers.

L’ouverture des Jeux olympiques de Paris nous préoc­cupe. Beau­coup d’hommes alcoolisés vont se retrou­ver à faire la fête dans la cap­i­tale. Les TDS vont égale­ment être plus exposées à la répres­sion poli­cière et aux oblig­a­tions de quit­ter le ter­ri­toire français (OQTF), comme c’est le cas depuis plusieurs années pour les femmes trans séropos­i­tives.

Nous avons prévu de com­mu­ni­quer auprès de nos béné­fi­ci­aires pour leur indi­quer com­ment se faire soign­er, com­ment dénon­cer les abus. Nous avons mis en place un pro­to­cole d’intervention act­if 7 jours sur 7 et une per­ma­nence juridique ren­for­cée. Grâce au Fonds d’action sociale trans (FAST), nous pour­rons aider finan­cière­ment les TDS qui seront vic­times de vio­lences ou expulsé·es de leur lieu de tra­vail et de vie. J’espère que nous n’aurons pas à déplor­er de nou­velles mortes ou des vio­lences qui lais­seront de graves séquelles chez les filles que nous accom­pa­gnons. »

Pro­pos recueil­lis par Marie-Agnès Laf­fougère, jour­nal­iste en alter­nance à La Défer­lante

Marie-Agnès Laffougère

Journaliste indépendante, elle travaille pour Têtu, Livres Hebdo et Radio France sur des sujets liés au genre et aux questions LGBT+. Voir tous ses articles

Résistez en féministes

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