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La lutte antifasciste est (aussi) une lutte rurale !

Lídia Fer­rón Martínez s’est instal­lée en Bre­tagne il y a dix ans. Venant de Cat­a­logne, elle avait l’habitude de militer en ville. Après un temps d’adaptation, elle a rejoint les luttes paysannes locales qui com­bat­tent l’extrême droite au quo­ti­di­en, tout en défen­dant la cul­ture bio et la sou­veraineté ali­men­taire.
Publié le 29/07/2024

Modifié le 16/01/2025

La lutte antifasciste est (aussi) une lutte rurale !

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°15 Résis­ter, parue en août 2024. Con­sul­tez le som­maire.

La pre­mière fois que j’ai enten­du par­ler de fas­cisme, c’était à l’école de mon vil­lage en Cat­a­logne : un ami qui dessi­nait une croix cel­tique sur la table m’a dit que c’était un sym­bole « facha » (lit­térale­ment, « facho »), relatif au fran­quisme. Il avait appris ça de son frère, un skin­head de droite.

Moi, j’écoutais du rock cata­lan et j’évoluais dans un cer­cle social plutôt paci­fiste, donc ces idées me parais­saient déjà aber­rantes à l’époque. Au col­lège, j’ai décou­vert les luttes étu­di­antes de gauche. Ma con­science poli­tique s’est forgée petit à petit avec les amies de l’époque : indépen­dan­tisme, antiracisme, fémin­isme, syn­di­cal­isme, inter­na­tion­al­isme… Au début des années 2000, on man­i­fes­tait, on écrivait des arti­cles, on fai­sait des fêtes, on débat­tait et on se bat­tait.

Pen­dant ces années, l’extrême droite, ça se résumait pour moi à des jeunes bone­heads (des skin­heads ultras) ou à des vieux mous­tachus nos­tal­giques de la dic­tature… Ça ne représen­tait pas une grande masse de la pop­u­la­tion, mais j’étais con­sciente de la place qu’ils occu­paient dans les mairies, dans les forces de l’ordre, etc., et je savais aus­si qu’il ne fal­lait pas les laiss­er faire. De toute façon, en ville, la lutte était facile à définir, car les enne­mis étaient faciles à iden­ti­fi­er. Les agres­sions envers les per­son­nes migrantes se pas­saient dans la rue, les tags fas­cistes se fai­saient dans les rues, les insultes et les vex­a­tions à l’égard des col­lec­tifs « minori­taires » se pas­saient dans la rue… Pour com­bat­tre cela, il n’y avait que l’action con­crète : on taguait par-dessus les tags fas­cistes, on expul­sait les per­son­nes d’extrême droite des événe­ments qu’on organ­i­sait. Et même si ces actions étaient néces­saires, je me demandais par­fois si on changeait vrai­ment la société à une plus grande échelle.

L’ennemi existe aussi bien en Bretagne qu’en Catalogne

Quelques années après, à l’âge de 24 ans, je suis venue en Bre­tagne à la recherche de nou­velles expéri­ences. J’y ai ren­con­tré mon con­joint actuel, qui était instal­lé sur la ferme famil­iale en Ille-et-Vilaine, où j’ai fini par m’installer aus­si. Il m’a fal­lu un temps d’adaptation. Je venais de la ville, avec des valeurs et des façons de les défendre qui n’avaient pas l’air d’avoir cours dans mon nou­veau vil­lage. Pas de mou­ve­ment de gauche indépen­dan­tiste bre­ton, pas de groupe fémin­iste, pas de syn­di­cal­isme fer­vent, pas de mou­ve­ments col­lec­tifs antiracistes… J’avais per­du tous mes repères ! Où était la lutte dans cette cam­pagne ? N’y avait-il aucun moyen de se bat­tre locale­ment ? Parce que si je n’avais pas encore iden­ti­fié mes allié·es, j’étais sûre que l’ennemi, lui, exis­tait aus­si bien en Bre­tagne qu’en Cat­a­logne.

Petit à petit, j’ai com­mencé à ren­con­tr­er puis côtoy­er des paysannes et des paysans qui menaient ces luttes, avec des out­ils et des méth­odes que mon prisme de cita­dine m’empêchait de voir. Par exem­ple, l’accueil de per­son­nes migrantes dans les fer­mes est une forme d’action qui ne ressem­ble pas à ce que je con­nais­sais en ville. En tra­vail­lant, en partageant le quo­ti­di­en des fer­mières et fer­miers, les per­son­nes migrantes, qu’elles soient ou non clan­des­tines, trou­vent de vrais havres de paix et subis­sent moins l’attente de papiers ou la peur de se faire chop­er. Ces ren­con­tres inter­cul­turelles facili­tent aus­si la mix­ité dans les vil­lages. D’ailleurs, dans les luttes paysannes, nous défendons égale­ment les tra­vailleurs et tra­vailleuses agri­coles et de l’agroalimentaire immigré·es dont on n’entend pas la voix.

Des migrant·es dans les fermes

J’ai décou­vert aus­si les fest-noz à la ferme, avec des liens soci­aux intergénéra­tionnels qui font vivre la cul­ture d’un peu­ple sans som­br­er dans le chau­vin­isme, offrant un espace de parole et de partage qui n’existe pas ailleurs : on peut dis­cuter libre­ment de la langue gal­lo*, de la paysan­ner­ie comme nous l’entendons, cri­ti­quer les pes­ti­cides, les entre­pris­es comme Mon­san­to qui les pro­duisent et les gros agricul­teurs qui les utilisent, empoi­son­nant la terre, cau­sant des mal­adies et des morts.

J’ai vu fleurir un groupe de femmes paysannes incroy­ables, avec des par­cours dif­férents et mul­ti­ples. Même s’il n’était pas fémin­iste à la base, c’est devenu mon espace de lutte antipa­tri­ar­cale préféré, car il s’appuie sur du vécu pour chang­er active­ment nos avenirs.

J’ai partagé la lutte syn­di­cale de la Confédé­ration paysanne pour défendre une agri­culture qui donne la pri­or­ité à la vie plutôt qu’à la mort, à l’humain plutôt qu’au marché, en lien avec la Via Campesina, un mou­ve­ment inter­na­tion­al qui rassem­ble des mil­lions de per­son­nes pour défendre l’agriculture paysanne au nom de la sou­veraineté ali­men­taire.

Nous, paysannes et paysans, faisons le choix de pro­duire locale­ment, pour des raisons écologiques, mais aus­si pour éviter l’envoi de nos sur­plus ali­men­taires à des pays du Sud glob­al en cas­sant les prix et en appau­vris­sant ain­si leur paysan­ner­ie.

Nous nous organ­isons pour ne plus cau­tion­ner les dérives du marché de l’agroalimentaire. Nous voulons faire vivre nos vil­lages et com­bat­tre les États cen­tral­istes et autori­taires.

Nous voulons peser forte­ment pour que les ressources – l’eau, la terre… – restent ou devi­en­nent col­lec­tives : en nous engageant dans les mairies, en partageant nos points de vue, en par­tic­i­pant à des asso­ci­a­tions locales, en prê­tant nos fer­mes pour y organ­is­er des événe­ments, en organ­isant des marchés et des fêtes.

Nous imag­i­nons des formes de ges­tion et d’organisation aus­si divers­es que notre nature humaine en cul­ti­vant une trans­ver­sal­ité qui ne prône plus l’homme blanc cis pro­duc­tif comme prin­ci­pal moteur de l’agriculture, ni la famille tra­di­tion­nelle comme seule option de ferme « famil­iale ».

C’est de cette façon qu’on mène une lutte antifas­ciste en milieu rur­al. •

Lídia Fer­rón Martínez. Après un début de car­rière dans le social à Barcelone, elle rejoint la Bre­tagne en 2014 pour devenir agricul­trice aux côtés de son con­joint. Elle est mem­bre du groupe de paysannes en non-mix­ité choisie Les Elles. Elle signe, dans nos pages, une chronique sur la lutte antifas­ciste en milieu rur­al. C’est la deux­ième d’une série de qua­tre écrites par le col­lec­tif de paysannes en non-mix­ité Les Elles de l’Adage 35 (asso­ci­a­tion d’éleveurs et éleveuses en sys­tème herbager autonome et économe en Ille-et-Vilaine).

Cet arti­cle a été édité par Élise Thiébaut.

* La langue gal­lo ou galo, dite aus­si langue gal­lèse, est l’une des langues par­lées dans la moitié ori­en­tale de la Bre­tagne.

Lídia Ferrón Martínez

Après un début de carrière dans le social à Barcelone, elle rejoint la Bretagne en 2014 pour devenir agricultrice aux côtés de son conjoint. Elle est membre du groupe de paysannes en non-mixité choisie, “les Elles” et signe, dans ce numéro une chronique sur la lutte antifasciste en milieu rural. Voir tous ses articles

Résister en féministes : la lutte continue

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°15 Résis­ter, parue en août 2024. Con­sul­tez le som­maire.


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