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L’éducation à la sexualité sous tension

Entre le mou­ve­ment #MeToo et la mon­tée des idées réac­tion­naires, l’école est l’un des lieux où se cristallisent ten­sions poli­tiques et sociales. La jour­nal­iste Mathilde Blézat revient sur le rôle pri­mor­dial des référent·es égal­ité et des intervenant·es, garant·es de ce front de résis­tance qu’est l’éducation à la sex­u­al­ité.
Publié le 26/07/2024

Modifié le 14/02/2025

VINCENT LECOMTE / HANS LUCAS
Séance d’é­d­u­ca­tion affec­tive et sex­uelle (EAS) dans un col­lège pub­lic d’Oc­c­i­tanie. Crédit : Vin­cent Lecomte / HANS LUCAS

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°15 Résis­ter, parue en août 2024. Con­sul­tez le som­maire.

Au début de 2024, dans un lycée pub­lic d’une petite ville occ­i­tane, la réal­isatrice Nina Fau­re pro­jette son doc­u­men­taire We are com­ing, qui abor­de la sex­u­al­ité d’un point de vue fémin­iste. Plusieurs class­es y assis­tent, par groupes d’une cen­taine d’élèves, encadré·es par leurs professeur·es, mais sans pré­pa­ra­tion péd­a­gogique préal­able.

Dès les pre­mières min­utes, la réal­isatrice com­prend à leurs réac­tions que ces jeunes spectateur·ices « pren­nent le film à l’envers », ne sai­sis­sant pas, par exem­ple, le sec­ond degré de cer­taines scènes. Elle met le film en pause et fait le point : le doc­u­men­taire a déjà été vu par des quan­tités d’élèves sans que cela ait posé prob­lème, il est classé « tout pub­lic » et entre dans le champ de l’éducation à la vie affec­tive et sex­uelle (EAS), un enseigne­ment oblig­a­toire de la mater­nelle à la ter­mi­nale (1). Deux élèves quit­tent tout de même la pro­jec­tion, et les échanges à l’issue de celle-ci sont ten­dus. « On aurait dit que c’était la pre­mière fois que ces jeunes étaient confronté·es à une dis­cus­sion publique sur la sex­u­al­ité », explique-t-elle avec le recul.

 

Si l’absence de pré­pa­ra­tion peut expli­quer la récep­tion com­pliquée du film, l’hostilité est aus­si ali­men­tée par un petit groupe de garçons affil­iés à l’extrême droite, qui cou­vrent la voix des élèves ayant appré­cié le film. Nina Fau­re se sou­vient notam­ment d’un élève offen­sif qui lui reproche de cacher que ce seraient « prin­ci­pale­ment les Noirs et les Arabes qui agressent les femmes en France », une infor­ma­tion infondée régulière­ment col­portée par l’extrême droite. Un autre élève se dit choqué par le t‑shirt d’une des inter­viewées, représen­tant une Vierge dans une vul­ve, et com­mence à propager une rumeur selon laque­lle « la Vierge se fait poutr­er » dans le film. Ces élèves vont jusqu’à lancer une péti­tion pour dénon­cer l’« atteinte à la laïc­ité et à la neu­tral­ité poli­tique » qu’aurait con­sti­tuées cette pro­jec­tion. Le per­son­nel édu­catif met­tra une bonne semaine à faire redescen­dre la ten­sion.

Sébastien (son prénom a été mod­i­fié) est pro­fesseur de philoso­phie et « référent égal­ité » – depuis 2018, tous les étab­lisse­ments de sec­ond cycle sont oblig­és de nom­mer ces référent·es, sur la base du volon­tari­at, par­mi leur per­son­nel édu­catif. Dans le lycée où est pro­jeté le doc­u­men­taire de Nina Fau­re, c’est donc lui qui est chargé de la pro­mo­tion de l’égalité filles-garçons, de la préven­tion des vio­lences sex­istes et sex­uelles et des LGBT­pho­bies, en sou­tien aux intervenant·es en EAS. Sébastien explique que ces élèves d’extrême droite, qui « se van­tent d’aller aux meet­ings de Bardel­la » et qui « parvi­en­nent à instau­r­er dans le quo­ti­di­en de la classe une ambiance lour­de­ment misog­y­ne » se révè­lent par­ti­c­ulière­ment vir­u­lents lors des séances d’éducation à la sex­u­al­ité, lorsqu’ils s’offusquent par exem­ple de dis­cus­sions sur la repro­duc­tion ou sur la tran­si­d­en­tité. À ceux-là s’ajoutent des élèves « très chrétien·nes » : choqué·es par We are com­ing, elles et ils ont soutenu la péti­tion lancée après sa pro­jec­tion. Sébastien se heurte au fait qu’une par­tie des jeunes qu’il a en classe jugent « qu’on ne doit pas par­ler de sex­u­al­ité à l’école, qu’on est trop jeunes, que c’est privé » – alors que, en par­al­lèle, plusieurs filles lui con­fient avoir subi des vio­ls, y com­pris de la part de cama­rades de classe.

 


« On aurait dit que c’était la pre­mière fois que ces jeunes étaient confronté·es à une dis­cus­sion publique sur la sex­u­al­ité. »

Nina Fau­re, réal­isatrice


 

Chevaux de bataille de la droite radicale

Au lycée, une par­tie des élèves sont majeur·es ou proches de la majorité ; l’éducation à la sex­u­al­ité a donc moins de risques qu’à l’école pri­maire ou au col­lège d’impliquer les par­ents et de provo­quer un scan­dale médi­a­tique – comme cela s’était passé avec les ABCD de l’égalité en 2014, et comme ten­tent de le faire aujourd’hui plusieurs col­lec­tifs proches de l’extrême droite, tels SOS Édu­ca­tion ou Par­ents vig­i­lants (2). Au lycée, des élèves pren­nent le relais de l’entreprise de désta­bil­i­sa­tion de ces enseigne­ments, chevaux de bataille his­toriques de la droite rad­i­cale et des asso­ci­a­tions catholiques inté­gristes. En 1894, déjà, l’antisémite notoire Édouard Dru­mont s’indignait con­tre le « sys­tème pornographique de coé­d­u­ca­tion des sex­es » (c’est-à-dire la mix­ité à l’école), mis en place par des instituteur·ices lib­er­taires comme Paul Robin. Ce dernier avait dévelop­pé dans un orphe­li­nat un enseigne­ment mul­ti­dis­ci­plinaire éman­ci­pa­teur, athée, antipa­tri­o­tique… et mixte, avec « filles et garçons [qui] suiv­ent ensem­ble tous les enseigne­ments et activ­ités (cou­ture, cui­sine, tra­vail du fer et du bois) (3) ».

 

Le collectif ultraréactionnaire Parents vigilants a tenu en novembre 2023 un colloque au Sénat qui s’est clos par une prise de parole d’Éric Zemmour (à gauche). QUENTIN DE GROEVE / HANS LUCAS

Le col­lec­tif ultra­réac­tion­naire Par­ents vig­i­lants a tenu en novem­bre 2023 un col­loque au Sénat qui s’est clos par une prise de parole d’Éric Zem­mour (à gauche). Crédit : Quentin de Groeve /HANS LUCAS

Au-delà de l’affiliation aux par­tis d’extrême droite et à des organ­i­sa­tions iden­ti­taires, les jeunes hommes sont de manière générale par­ti­c­ulière­ment ciblés par les mou­ve­ments mas­culin­istes (4), qui pul­lu­lent sur Inter­net et prô­nent un antifémin­isme sou­vent vio­lent et « cen­tré sur la vic­tim­i­sa­tion des hommes », selon les soci­o­logues Mélis­sa Blais et Fran­cis Dupuis-Déri. Pour Sébastien, la misog­y­nie et la LGBT­pho­bie ordi­naires exprimées bruyam­ment par une par­tie des garçons, « qui trou­vent qu’on par­le trop de ces sujets et préfèrent faire des blagues sur la place des femmes à la cui­sine », sont un phénomène « plus insi­dieux, mais tout aus­si con­t­a­m­i­na­teur, car plus fréquent, que les pris­es de parole des élèves zem­mouristes ». Cette aver­sion pour des rap­ports plus égal­i­taires, que l’on retrou­ve dans toutes les sphères sociales, l’interroge : « Est-ce que par­ler de con­sen­te­ment et de vio­lences dans cette ambiance, ça ne fait pas plus de mal aux vic­times que de ne pas en par­ler du tout ? » Une remar­que qui prêche en faveur de con­fig­u­ra­tions non mixtes sur cer­tains sujets… mais aus­si surtout pour une poli­tique beau­coup plus ambitieuse en ce qui con­cerne l’éducation à la vie affec­tive et sex­uelle.

En mars 2024, le gou­verne­ment avait annon­cé la mise en place à la ren­trée suiv­ante d’un pro­gramme com­plet d’EAS du CP à la ter­mi­nale, avec des thé­ma­tiques pré­cis­es pour chaque niveau et une approche trans­ver­sale touchant toutes les dis­ci­plines. Mais l’initiative a été sus­pendue au moment des élec­tions lég­isla­tives de juin, et cet enseigne­ment, tout comme les postes afférents, est pour l’heure dépourvu de bud­get à la hau­teur des enjeux et repose sur la volon­té des direc­tions de mon­ter (ou pas) des dossiers de finance­ment pour faire inter­venir des asso­ci­a­tions, acheter du matériel, for­mer les enseignant·es, etc. Mal­gré l’obligation d’avoir au moins un·e référent·e égal­ité par lycée, il appa­raît dans un sondage réal­isé par l’association NousToutes en 2021 que seuls 41 % des lycées publics en ont nom­mé, et 11 % des lycées privés (5).

 

Dans les étab­lisse­ments où il y en a, ces référent·es man­quent cru­elle­ment de temps et de for­ma­tion appro­priée, d’échanges entre pairs et de sup­ports. Elles et ils ne sont pas non plus suff­isam­ment rémunéré·es. En effet, les textes régle­men­taires ne déter­mi­nent pas de nom­bre d’heures ou d’augmentation de salaire pour cette mis­sion, cela reste à la dis­cré­tion des chef·fes d’établissement : certain·es, comme Sébastien, peu­vent sim­ple­ment pren­dre des heures sur leur temps de tra­vail sans rémunéra­tion sup­plé­men­taire, d’autres ont 15 min­utes libérées par semaine, d’autres encore reçoivent un com­plé­ment de salaire de quelques dizaines d’euros par mois. Elles et ils se heur­tent aus­si bien sou­vent au dés­in­térêt de leurs col­lègues et supérieur·es, voire à leur hos­til­ité. Quand, dépassé par les his­toires de vio­ls que lui ont con­fiées cer­taines élèves, Sébastien a voulu faire venir une asso­ci­a­tion spé­cial­iste des vio­lences sex­istes et sex­uelles, la pro­viseure a refusé, arguant de l’absence de moyens financiers. Il a été ren­voyé aux heures qu’il peut déblo­quer pour inter­venir lui-même, alors qu’il n’est pas for­mé sur le sujet. « On a quand même l’impression que l’effet d’annonce [du gou­verne­ment Attal] visait à main­tenir la struc­ture de dom­i­na­tion, en met­tant une charge énorme sur les quelques per­son­nes investies », résume Nina Fau­re, qui a eu l’occasion d’échanger avec bon nom­bre de référent·es égal­ité au cours de ses pro­jec­tions en milieu sco­laire.

 

Un levier de lutte contre les discriminations

Angeli­na Duc est infir­mière depuis deux ans dans un lycée pub­lic drô­mois, et chargée de l’EAS. Elle regrette elle aus­si ce manque de temps, de per­son­nel for­mé et d’implication générale sur ce sujet. Depuis la dernière réforme du lycée, les emplois du temps sont très indi­vid­u­al­isés, les élèves ne sont plus sou­vent en classe entière et, avec Par­cour­sup et le con­trôle con­tinu, tous·tes subis­sent une pres­sion accrue dès la sec­onde. Certes, la hiérar­chie sou­tient les actions que mène Angeli­na Duc, « mais ce qui compte finale­ment, ce sont les bons résul­tats au bac, alors beau­coup d’enseignant·es ne veu­lent pas faire sauter une heure de cours pour ça ». Autre frein impor­tant selon elle, la mau­vaise san­té men­tale des enfants, qui la mobilise beau­coup en tant qu’infirmière. « Un grand nom­bre d’élèves font des pho­bies sco­laires, des ten­ta­tives de sui­cide, relève-t-elle. Le covid, les réseaux soci­aux, l’état du monde, la pres­sion sco­laire, ajoutés à des sit­u­a­tions famil­iales com­pliquées, aux vio­lences sex­uelles, à l’homophobie et la trans­pho­bie, cela fait beau­coup de choses qui aug­mentent leur anx­iété. »

L’éducation à la sex­u­al­ité et à l’égalité dès le plus jeune âge est recon­nue, par l’État comme par les asso­ci­a­tions fémin­istes et le milieu édu­catif, comme étant pri­mor­diale pour lut­ter con­tre les vio­lences et les dis­crim­i­na­tions, pour amélior­er la vie de tous·tes et notam­ment celle des filles et des per­son­nes queers. Elles et ils en sont bien conscient·es.

Depuis deux ans, j’interviens sur le sujet de l’autodéfense fémin­iste dans une classe de sec­onde pro accom­pa­g­ne­ment, soins et ser­vices à la per­son­ne (ASSP) d’un lycée privé catholique de la Drôme. Anne-Lise et Flo­rence, pro­fesseures de français et de sci­ences médi­co-sociales, ont choisi ensem­ble de faire tra­vailler les élèves sur une sélec­tion de livres fémin­istes, alors que l’EAS n’était jusqu’alors qua­si­ment pas dis­pen­sée dans ce lycée. Dans leurs fich­es de lec­ture, les lycéennes expri­ment le soulage­ment, la libéra­tion, les solu­tions que cela leur apporte à pro­pos des vio­lences sex­uelles ou con­ju­gales qu’elles subis­sent. Dans cette sec­tion, les garçons, très minori­taires, per­for­ment sou­vent des mas­culin­ités moins vir­ilistes, dis­ent aus­si subir des dis­crim­i­na­tions et sont plus récep­tifs à ces ques­tions. La seule oppo­si­tion à laque­lle les enseignantes ont été con­fron­tées est celle de par­ents d’une famille « très con­nue et puis­sante dans le milieu catholique inté­griste », qui ont refusé que leur fille lise la BD Le Chœur des femmes (6), la jugeant « pornographique » et « con­traire à leurs valeurs ». Ils ont essayé d’imposer une autre liste de livres aux enseignantes.

Plus glob­ale­ment, dans les lycées, ce sont des élèves, fémin­istes, LGBT+, antiracistes, des filles et des per­son­nes queers surtout, qui sont les acteur·ices de la résis­tance aux idées réac­tion­naires. Toutes ces per­son­nes sont par exem­ple sou­vent les pre­miers sou­tiens de leurs cama­rades trans, adop­tant avant les adultes les nou­veaux pronom et prénom. Conscientisé·es à ces ques­tions par les réseaux soci­aux, ces élèves récla­ment des inter­ven­tions, les organ­isent, trou­vent par­fois de leur pro­pre chef des finance­ments : c’est notam­ment arrivé dans le lycée d’Angelina Duc, dans la Drôme, où je suis inter­v­enue à l’initiative de lycéennes fémin­istes. Celles-ci ont égale­ment poussé l’infirmière et une pro­fesseure de SVT à mon­ter avec elles une grande expo­si­tion sur les ques­tions d’orientation sex­uelle, d’identité de genre, de san­té sex­uelle et repro­duc­tive, etc., que près de 500 élèves sont venu·es vis­iter.

 


Dans les lycées, les élèves, fémin­istes, LGBT+, antiracistes sont les acteur·ices de la résis­tance aux idées réac­tion­naires.


 

Écoute et dialogue entre pairs

Dans ce con­texte de moyens très lim­ités, per­son­nels et élèves engagé·es con­stru­isent autant que pos­si­ble des actions pour favoris­er une cul­ture de l’égalité et con­solid­er la résis­tance aux idées réac­tion­naires dans leurs étab­lisse­ments. Par exem­ple, avec une entrée pro­gres­sive dans les thé­ma­tiques, une répar­ti­tion des élèves dans l’espace de façon à cass­er les logiques de boys’club, ou encore des inter­ven­tions en non-mix­ité ou sur la base du volon­tari­at afin de favoris­er un espace de parole libre et bien­veil­lant pour les participant·es.

Une autre piste est de soutenir d’abord les per­son­nes les plus motivées et con­cernées, comme cela se fait au lycée général, tech­nologique et pro­fes­sion­nel Joseph-Val­lot, situé dans la com­mune occ­i­tane de Lodève, où je suis inter­v­enue en avril 2024. Maë­va Béguin-Way, pro­fesseure d’anglais et référente égal­ité, et Mona Clot, con­seil­lère prin­ci­pale d’éducation, ont décidé cette année de con­cen­tr­er leurs efforts sur la con­sti­tu­tion d’un groupe d’égaux-délégué·es, des élèves volon­taires et déjà conscient·es des dis­crim­i­na­tions, sus­cep­ti­bles de devenir des per­son­nes ressources pour leurs cama­rades. « Passé l’école pri­maire et le col­lège, où les adultes sont encore beau­coup sollicité·es pour régler les con­flits, explique Mona Clot, au lycée, les élèves sem­blent per­dre con­fi­ance en l’action des adultes et préfèrent se taire ou se tourn­er vers leurs ami·es pour avoir de l’écoute. » Ces jeunes ont béné­fi­cié de trois journées com­plètes de for­ma­tion sur les LGBT­pho­bies, au repérage des vio­lences, à l’autodéfense fémin­iste et à l’accueil de la parole de vic­times. L’une de leurs pre­mières actions a con­sisté à organ­is­er un Mois des fiertés au pro­gramme chargé : journée des vête­ments non gen­rés, quiz de cul­ture LGBT+, pro­jec­tions, vente au prof­it de l’association SOS Homo­pho­bie, enquête sur la répar­ti­tion gen­rée des per­son­nes dans l’espace sco­laire, etc.

 

Un long chemin à parcourir

À par­tir de sep­tem­bre 2024, ces égaux-délégué·es pour­ront inter­venir dans des class­es pour for­mer à leur tour d’autres élèves à ces ques­tions, afin que, petit à petit, la cul­ture de l’égalité de genre essaime. En par­al­lèle, Maë­va Béguin-Way et une ving­taine d’enseignant·es du lycée Val­lot et du col­lège voisin sont en train de rédi­ger un pro­gramme com­plet de séances d’EAS inté­grées aux cours de la 6e à la ter­mi­nale, qui seront ensuite dis­pen­sées pour que tous les sujets soient abor­dés au fil des années et que la total­ité des élèves en béné­fi­cie.

Pour ses actions, Maë­va Béguin-Way peut compter sur le « sou­tien total » de la direc­tion, avec une rémunéra­tion de 1 250 euros et un bud­get de 1 000 euros pour l’année. Un sou­tien qui a un effet sur ses col­lègues : si, au départ, une bonne par­tie d’entre elles et eux ne voy­aient pas l’intérêt de la mis­sion, plusieurs ont, depuis, suivi des for­ma­tions « égal­ité » – mis­es en place par l’académie de Mont­pel­li­er et dis­pen­sées notam­ment par Maë­va Béguin-Way –, et se sont emparé·es de ces ques­tions dans leurs cours, n’hésitant pas à venir la con­sul­ter pour aider des élèves. « Le fait que le pro­viseur encour­age ce que l’on fait, ça aide, analyse-t-elle. J’ai peut-être des col­lègues qui n’adhèrent pas pleine­ment, mais ils ne se sen­tent pas légitimes à exprimer leur oppo­si­tion frontale­ment. » Con­sciente du chemin qu’il reste à par­courir, elle est aus­si impliquée au niveau de l’académie de Mont­pel­li­er, en tant que mem­bre de l’observatoire des vio­lences de genre, qui recense les « faits étab­lisse­ments » rel­e­vant de vio­lences sex­istes et sex­uelles. Si elle explique crain­dre par­fois une vague de har­cèle­ment par des militant·es d’extrême droite, à l’occasion du Mois des fiertés au lycée par exem­ple, elle est déter­minée : « C’est un com­bat que je ne lâcherai pas et que je suis fière de men­er col­lec­tive­ment avec les élèves et les mem­bres de la com­mu­nauté éduca­tive qui por­tent ces valeurs. Je suis prête à en découdre avec n’importe qui. »

Face à divers phénomènes – l’offensive de la droite con­ser­va­trice con­tre les mineur·es trans, l’augmentation des actes LGBT­phobes (7), ou encore le dén­i­gre­ment jusqu’au som­met de l’État des dénon­ci­a­tions de vio­lences sex­uelles –, l’éducation à la sex­u­al­ité, qui cristallise tant de cli­vages, est un enseigne­ment ancré dans les vécus, qui répond à des besoins urgents. Dans le con­texte d’extrême droiti­sa­tion de la société, elle est aus­si un rem­part, un front de résis­tance à tenir, cen­timètre par cen­timètre, pour blo­quer la pro­liféra­tion des idées réac­tion­naires. •

Cet arti­cle a été édité par Diane Milel­li.


(1) La loi du 4 juil­let 2001 établit que les élèves doivent se voir dis­penser au moins trois séances par an. En 2021, un rap­port de l’Inspection générale de l’Éducation nationale con­state que moins de 20 % des collégien·nes et moins de 15 % des écolier·es et lycéen·nes en béné­fi­ci­aient.

(2) Créée en 2001, SOS Édu­ca­tion est proche des milieux ultra­l­ibéraux et d’extrême droite. Né en 2022 dans le sil­lage du par­ti d’extrême droite Recon­quête !, le groupe Par­ents vig­i­lants cherche à infil­tr­er les con­seils d’école afin de con­tr­er les ini­tia­tives de lutte con­tre les iné­gal­ités sociales, raciales et gen­rées.

(3) Gré­go­ry Cham­bat, Quand l’extrême droite rêve de faire école. Une bataille cul­turelle et sociale, édi­tions du Cro­quant, 2023.

(4) Lire à ce sujet l’article de Pauline Fer­rari, « Mas­culin­isme et biolo­gie : le grand détourne­ment »

(5) Sur un échan­til­lon de 720 ayant répon­du par « oui » ou par « non » par­mi les 1 000 lycées inter­rogés par télé­phone en juin 2021.

(6) Signée Aude Mer­mil­liod (Le Lom­bard, 2021), elle est adap­tée du roman du même nom du médecin Mar­tin Winck­ler (P.O.L, 2009).

(7) Dans son rap­port de 2024, l’association SOS Homo­pho­bie note par exem­ple une aug­men­ta­tion de 40 % des témoignages d’agressions physiques par rap­port à 2022.

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Mathilde Blézat

Journaliste indépendante basée à Marseille, elle est coautrice du manuel féministe Notre corps nous mêmes (Hors d’atteinte 2020) et cofondatrice de la revue Panthère première. En février 2022, elle a publié Pour l’autodéfense féministe (Editions de la dernière lettre). Voir tous ses articles

Résister en féministes

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