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Restons debout

Com­ment agir face à une extrême droite supré­maciste, qui impose ses idées et son agen­da poli­tique ? En nous inspi­rant des com­bats de nos aîné·es, en nous mobil­isant locale­ment et en rejoignant des col­lec­tifs de défense des per­son­nes minorisées, nous encour­age la mil­i­tante antiraciste Goun­do Diawara dans cette chronique.
Publié le 22/07/2024

Modifié le 30/01/2025

Double-page dans La Déferlante #15
Dou­ble-page dans La Défer­lante #15

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°15 Extrême droite : Résis­ter en fémin­istes, parue en août 2024.
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« L’extrême droite est aux portes du pou­voir ». Bien aidée par des femmes et des hommes poli­tiques qui, pen­dant des décen­nies, ont fait sem­blant de s’ériger en rem­part con­tre son pro­jet poli­tique raciste tout en l’imitant. Elle vam­pirise désor­mais de nom­breux espaces pour y dérouler son dis­cours supré­maciste et attis­er la haine.

Il fut un temps où j’avais la naïveté de croire que, quel que soit le par­ti poli­tique au pou­voir, le droit resterait (plus ou moins) le droit. C’était une grossière erreur. C’est à s’y mépren­dre, tant les imi­ta­tions sont réussies, mais il serait irre­spon­s­able de dire que l’extrême droite et le reste, c’est pareil. Nous, qui faisons par­tie des pop­u­la­tions directe­ment visées par les dis­cours  de haine et les poli­tiques racistes – et qui sen­tons les digues sauter l’une après l’autre depuis des années –, savons que la pleine acces­sion de l’extrême droite au pou­voir ren­forcera un racisme sys­témique déjà bien ancré et libér­era une horde de fauves qui n’attendent que cela pour laiss­er libre cours à leur vio­lence.
En effet, con­traire­ment à ce qu’elle veut laiss­er croire, l’extrême droite n’a pas changé. C’est la même que celle qui adhérait aux idéolo­gies fas­cistes et nazies dans les années 1930. La même que celle dont les mil­i­tants organ­i­saient des expédi­tions pour tabass­er des per­son­nes perçues comme étrangères dans les années 1980. La même qui a tué Ibrahim Ali (1) et Brahim Bouar­ram (2) en 1995, le mil­i­tant antifas­ciste Clé­ment Méric (3) en 2013 et le rug­by­man Fed­eri­co Martín Aram­burú en 2022 (4). Où qu’elle soit, peu importe qui l’incarne, l’extrême droite, depuis tou­jours, propage une idéolo­gie mor­tifère. Le mas­sacre qui se déroule actuelle­ment en Pales­tine, opéré par le gou­verne­ment d’extrême droite israélien, nous le rap­pelle chaque jour.
En tant que mil­i­tante antiraciste, je me demande moins com­ment nous en sommes arrivé·es à ce naufrage moral, intel­lectuel et poli­tique que com­ment nous en sor­tirons. Nos mobil­i­sa­tions don­nent lieu à de vio­lentes répres­sions : dis­so­lu­tion d’associations, inter­dic­tion de man­i­fes­ta­tions, procé­dures judi­ci­aires… Mais nous restons debout et tenons la ligne mal­gré tout.

Les luttes de nos parents en héritage


Nous avons de qui tenir. Les con­textes poli­tiques sont dif­férents, mais, bien loin de courber l’échine, nos par­ents ont lut­té, résisté. Je ne man­querai jamais une occa­sion de rap­pel­er que nous, descendant·es de l’immigration post­colo­niale, ne sommes pas des enfants de nulle part, encore moins les enfants de n’importe qui.

Je par­le sou­vent de l’actualité poli­tique avec mon père. Sous ses airs de grand sage à la barbe blanchie et à la voix toute douce, il a été en pre­mière ligne pour défendre les droits des tra­vailleurs immi­grés ouest-africains en France. Né sur un ter­ri­toire colonisé, puis arrivé en France à la fin des années 1960, il a active­ment pris part à la lutte con­tre les aug­men­ta­tions de loy­er dans les foy­ers, alors qu’il résidait lui-même dans celui, his­torique, de la rue Bara à Mon­treuil, en Seine-Saint-Denis, géré à l’époque par l’Association pour la for­ma­tion des tra­vailleurs africains et mal­gach­es (Aftam).

Ah ! Vous devriez l’entendre lorsqu’il racon­te la manière dont ils ont tenu le bras de fer durant deux ans, jusqu’à la vic­toire, en 1971 ! Grève des loy­ers, assem­blées générales, réu­nions avec le ges­tion­naire pour impos­er des travaux de réha­bil­i­ta­tion et l’annulation des dettes de loy­er pour les grévistes, créa­tion d’un jour­nal de lutte bap­tisé Tam­balé (mot qui désigne en soninké l’instrument par lequel on appelle les gens à se rassem­bler) et d’une asso­ci­a­tion regroupant des rési­dents de tous les foy­ers de tra­vailleurs africains parisiens : un rap­port de force exem­plaire.
Mais je crois que ce que nos par­ents ont fait de plus grand encore a été de lut­ter pour le respect de leur dig­nité, sans bruit mais avec déter­mi­na­tion. À une époque où l’on ne voy­ait en elleux que de la main‑d’œuvre ou des par­a­sites et où l’on mépri­sait tout ce qui fai­sait leur iden­tité, nos par­ents ont résisté et cul­tivé l’amour de nous-mêmes à tra­vers la trans­mis­sion de leurs langues, de leurs his­toires et de leurs tra­di­tions. Car elles et ils savaient que notre dig­nité ne se con­stru­irait pas dans l’amputation d’une par­tie de notre iden­tité. Elles et ils ont lut­té en créant de solides réseaux de sol­i­dar­ité, ou en met­tant les com­pé­tences
des un·es au ser­vice des autres face aux admin­is­tra­tions ou aux patron·nes.
Nous qui sommes leurs enfants avons pour devoir de repren­dre le flam­beau en cul­ti­vant les richess­es de nos iden­tités et en nous organ­isant col­lec­tive­ment pour défendre les plus frag­iles et les plus exposé·es d’entre nous aux vio­lences de l’extrême droite : per­son­nes exilées ou sans domi­cile fixe, femmes por­tant le voile, jeunes de quartiers pop­u­laires et racisé·es, minorités de genre, etc.

Rejoignons des col­lec­tifs, met­tons nos com­pé­tences au ser­vice des per­son­nes néces­si­teuses, soutenons les médias indépen­dants qui relaient nos luttes, investis­sons-nous dans la poli­tique locale, défendons les ser­vices publics pour garan­tir un accès au soin, à l’éducation, à l’habitat digne et à la jus­tice pour tous·tes.
Bref, lut­tons pour nos droits et ceux de nos enfants, en prenant soin de ne jamais user de l’argument qui con­siste à dire que « ce pays ne tiendrait pas sans notre force de tra­vail ». Car l’exploitation de nos corps ne sera jamais ce qui jus­ti­fiera notre droit d’exister libre­ment dans ce pays qui, quelles que soient ses tares, n’appartient pas davan­tage à d’autres qu’à nous. « Nous sommes ici chez nous et nous y sommes debout ! » comme nous aimons le rap­pel­er au Front de mères.

Soyons convaincu·es que seule la lutte nous débar­rassera des mes­sagers et mes­sagères de la haine. Elles et ils peu­vent faire sem­blant de défendre la cause des droits des femmes, celle des enfants, des agriculteur·ices, des pau­vres, du cli­mat ou des ani­maux. Elles et ils res­teront des supré­macistes. C’est pourquoi la pre­mière ligne à tenir est antiraciste, et c’est pourquoi nous la tenons fer­me­ment. Un jour, nos enfants se van­teront d’avoir eu des ascendant·es qui ont résisté et, con­traire­ment aux falsificateur·ices d’histoire, elleux ne men­tiront pas.
Pour l’heure, for­mons nos batail­lons ! •

Goun­do Diawara est cose­cré­taire nationale del’association Front de mères. Elle est coautrice de l’ouvrage Nos enfants, nous-mêmes. Manuel de parental­ité fémin­iste (Horsd’atteinte, 2024). Cette chronique est la deux­ième d’une série de qua­tre.


(1) Le 21févri­er 1995, à Mar­seille, un colleur d’affiche du Front nation­al abat Ibrahim Ali, 17ans, d’une balle dans le dos.

(2) Le 1ermai 1995, en marge d’un rassem­ble­ment duFront nation­al à Paris, trois skin­heads agressent Brahim Bouar­ram, un Maro­cain de 29ans et père defamille. L’un d’eux le pousse dans la Seine ; ilmeurt noyé.

(3) Le 5juin 2013, Clé­ment Méric, étu­di­ant de 18ans et mil­i­tant antifas­ciste, est tué au cours d’une rixe avec des mil­i­tants de l’extrême droite nation­al­iste.

(4) Le prin­ci­pal sus­pect du meurtre par balles (dans le dos) de l’ex-joueur inter­na­tion­al argentin de rug­by Fed­eri­co Martín Aram­burú, le 19mars 2022, est un mem­bre du Groupe union défense (GUD).
Goundo Diawara

Cosecrétaire nationale de l’association Front de mères, militante des quartiers populaires, elle est également coautrice de l’ouvrage Nos enfants nous-mêmes, Manuel de parentalité féministe (Hors d’Atteinte, 2024). Voir tous ses articles

Extrême droite : Résister en féministes

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