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Solmaz Daryani raconte la disparition du lac Ourmia en Iran

Avec sa série inti­t­ulée «The Eyes of Earth », la pho­tographe irani­enne doc­u­mente la cat­a­stro­phe écologique qui touche le lac Our­mia où elle a passé son enfance.
Publié le 24/04/2024

Modifié le 16/01/2025

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°14 Dessin­er, paru en mai 2024. Con­sul­tez le som­maire.

Par­fois surnom­mé « la petite mer Morte », le lac Our­mia, dans le nord de l’Iran, a longtemps été le poumon économique et touris­tique de la région. Depuis les années 1970, sous l’effet de l’agriculture inten­sive et de nom­breux épisodes de sécher­esse, son vol­ume a bais­sé de 80 %. Enfant, la pho­tographe irani­enne Sol­maz Daryani a passé toutes ses vacances sur les rives de ce lac, dans un hôtel tenu par ses grands-par­ents.

Avec sa série inti­t­ulée The Eyes of Earth, elle racon­te depuis 2014 la trans­for­ma­tion de sa région d’origine et ses con­séquences sur la vie de sa famille, dont sa grand-mère était une fig­ure cen­trale.

 

Crédit photo : Solmaz Daryani

Crédit photo : Solmaz Daryani

Je chéris le sou­venir de mes étés chez mes grands-par­ents, au bord du lac Our­mia. C’était l’époque où les touristes venaient encore en nom­bre pour se baign­er dans ses eaux salées et se cou­vrir de sa boue noire aux ver­tus apaisantes.
Je me sou­viens pré­cisé­ment des jeux aux­quels nous jouions entre enfants, du bruit des vagues, des bavardages des vacancier∙es sur la plage, de l’odeur du soufre et du goût de la brise salée. Le tourisme nour­ris­sait l’économie locale et, en par­ti­c­uli­er, le port de Sharafkhaneh, où ma famille tenait un hôtel. Aujourd’hui, les rives du lac sont désertes, mais ces images, ces sons et ces odeurs sont tou­jours en moi.

 

Crédit Photo : Solmaz Daryani

En 2015, alors que je mar­chais sur les rives du lac, j’ai décou­vert un paysage qui me hante encore : des navires aban­don­nés, des péda­los échoués, un pon­ton en ruines. Sous mes pieds, ce jour-là, j’entendais cra­quer la croûte de sel qui recou­vre le sable. J’ai ressen­ti un pro­fond sen­ti­ment de perte. Autre­fois haut lieu touris­tique mais aus­si ter­rain de retrou­vailles pour ma famille élargie, la sta­tion bal­néaire de mon enfance est désor­mais réduite au silence. Ses habitant·es sont les dernier·es témoins du passé glo­rieux du lac Our­mia.

 

Crédit photo : Solmaz Daryani

 

Crédit photo : Solmaz Daryani

Prise en 1979, la pho­to ci-dessus mon­tre ma grand-mère, debout au milieu du verg­er qu’elle a elle-même plan­té, à prox­im­ité de l’hôtel. Au fil des ans et de l’assèchement du lac, le sel qu’il con­te­nait s’est répan­du sur les ter­res alen­tour et a tué les arbres à petit feu.

Crédit photo : Solmaz Daryani

La pho­togra­phie ci-dessus date de 2016. On y voit ma grand-mère en train de repren­dre des forces dans son jardin, après une marche de cinq kilo­mètres pour aller se baign­er dans un des derniers étangs salés du lac. Sur sa peau, on observe des traces de sel. On devine autour d’elle les ves­tiges de l’hôtel et de son verg­er.

Crédit photo : Solmaz Daryani

Ma grand-mère se prénom­mait Narges – Nar­cisse, en langue per­sane. Elle était anal­phabète et a dévelop­pé des liens très forts avec la nature qui l’entourait. Au cours de sa vie, elle a plan­té et entretenu plus de 800 arbres.
Dans son car­net, pho­tographié en 2015, elle consignait avec appli­ca­tion les numéros de télé­phone impor­tants, indi­quant par des dessins des ren­seigne­ments sur ses con­tacts. On y retrou­ve le 3632, le numéro de la cap­i­tainer­ie du port, sur­vivance de l’âge d’or du lac Our­mia.

 

Crédit photo : Solmaz Daryani

À l’entrée de sa mai­son, dans la véran­da, Narges avait placé une plante qu’elle ado­rait pour souhaiter la bien­v­enue aux vis­i­teurs et aux vis­i­teuses. C’est un cadeau que lui avait fait mon oncle et dont elle pre­nait grand soin. L’hiver, elle la pro­tégeait d’un voile.En 2020, ma grand-mère a été fauchée par le Covid. Elle s’est éteinte en l’espace de trois jours.

 

Crédit photo : Solmaz Daryani

Le sort du lac Our­mia préoc­cupe les observateur·ices du monde entier : sa lente trans­for­ma­tion en un désert de sel est vis­i­ble et doc­u­men­tée depuis l’espace par les satel­lites de la Nasa. Cette cat­a­stro­phe touche pro­fondé­ment celles et ceux qui, comme moi, ont longtemps vu se refléter leur iden­tité dans ses eaux salées. L’étendue désor­mais asséchée forme une cica­trice qui nous relie tous et toutes. Depuis quelques années, l’État iranien œuvre à répar­er les dom­mages, provo­qués par des années d’agriculture inten­sive et de sécher­esse. Un tun­nel de 36 kilo­mètres de long reliant la riv­ière Zab au lac Our­mia a été inau­guré en 2023. Ce pro­jet qui devrait, à terme, per­me­t­tre l’acheminement de 600 mil­lions de mètres cubes d’eau par an, cristallise l’espoir de tous·tes les habitant·es de la région. C’est que le lac représente bien davan­tage qu’un sim­ple plan d’eau : c’est un réser­voir de bio­di­ver­sité, un abri pour les oiseaux migra­teurs et un refuge pour nos sou­venirs d’enfance. Ce qui est en jeu ici, c’est l’équilibre écologique de la région, autant que notre mémoire col­lec­tive.

Sol­maz Daryani est pho­tographe. Elle évolue entre son pays natal, l’I­ran, et le Roy­aume-Uni. Elle explore les rela­tions mul­ti­ples entre les gens et leur envi­ron­nement. Sa série The Eyes of Earth, dont sont extraites les images du port­fo­lio pub­lié dans le numéro #14 de La Défer­lante, a reçu de nom­breux prix inter­na­tionaux.

Solmaz Daryani

Photographe iranienne, Solmaz Daryani évolue entre son pays natal et le Royaume-Uni. Elle explore les relations multiples entre les gens et leur environnement. Sa série The Eyes of Earth a reçu de nombreux prix internationaux. Voir tous ses articles

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Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°14 Dessin­er, paru en mai 2024. Con­sul­tez le som­maire.


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