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Ah!Nana, pionnières de la BD féministe

Sub­ver­sif, trash, par­fois lim­ite : le pre­mier mag­a­zine de BD réal­isé par et pour des femmes a vu le jour en 1976, avant de dis­paraître deux ans plus tard sous le coup de la cen­sure. Les dessi­na­tri­ces Flo­rence Ces­tac, Nicole Claveloux, Olivia Clav­el ou Chan­tal Mon­tel­li­er ont fait l’histoire de la revue Ah!Nana.
Publié le 19/04/2024

Modifié le 16/01/2025

Planche extraite de La Conasse et le Prince charmant, de Nicole Claveloux, paru dans Ah!Nana no 2 (1977). « À la date convenue, j’apportais mes pages, avec le risque qu’elles soient refusées – ce qui n’est jamais arrivé », raconte l’illustratrice. 2023 - Humanoids, Inc /  Les Humanoïdes Associés
Planche extraite de La Conasse et le Prince char­mant, de l’il­lus­tra­trice Nicole Claveloux, paru dans le numéro 2 de Ah!Nana (1977). Crédit : 2023 — Humanoids, Inc /  Les Humanoïdes Asso­ciés

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°14 Dessin­er, paru en mai 2024. Con­sul­tez le som­maire.

L’aventure a com­mencé comme une blague en 1976, sur les ban­quettes d’un resto parisien. « C’était encore des dis­cus­sions de machos avec l’équipe de Métal hurlant. J’étais avec Jean-Pierre Dion­net, mon mari, il y avait Jean Giraud [alias Mœbius] et sa femme, Clau­dine, Tar­di et sa com­pagne de l’époque, Anne Delo­bel.

J’ai dit : “Et si nous, les femmes, on fai­sait notre pro­pre jour­nal de bande dess­inée ? Ce serait for­mi­da­ble ! On serait tout à fait libres. On racon­terait nos his­toires.” Et on a com­mencé un peu à délir­er… » Plus de quar­ante ans après, Jan­ic Guillerez se sou­vient de cette étin­celle far­felue qui don­na nais­sance à la pre­mière revue de bande dess­inée réal­isée par et pour des femmes, de 1976 à 1978. Un épisode fugace dans l’histoire des mag­a­zines spé­cial­isés, dont les traces s’effacent dan­gereuse­ment. Cer­taines autri­ces ont dis­paru, les mémoires flanchent, et comme sou­vent dans l’histoire de l’art, cette par­en­thèse fémi­nine a été gom­mée de la légende dorée de la bande dess­inée.

 

Cou­ver­tures de la pub­li­ca­tion Ah!Nana pub­liée dans la sec­onde moitié des années 1970. Crédit : HUMANOIDS, INC / LES HUMANOÏDES ASSOCIÉS, 2023

 

En 1975, Jan­ic Guillerez approche la trentaine. Réputée et primée comme col­oriste des édi­tions Dar­gaud, elle plaque tout pour rejoin­dre son mari, Jean-Pierre Dion­net, con­fon­da­teur des édi­tions des Humanoïdes asso­ciés, et l’aventure Métal hurlant, dont elle va assur­er la direc­tion artis­tique avec Éti­enne Robial. Quand celui-ci s’arrête, elle se retrou­ve seule à la barre. Comme elle est une femme, on l’estime sans doute poly­va­lente et c’est elle qu’on envoie au casse-pipe face aux artistes râleurs, ou qui va « sourire aux banquier·es » pour deman­der un nou­veau prêt. Mais la BD la pas­sionne. L’époque foi­sonne de nou­velles revues comme Pilote, (À suiv­re), Actuel, Flu­ide glacial, qui remisent au plac­ard la BD à papa. Une nou­velle garde graphique, portée par des ovnis under­ground, pro­pose des sujets plus adultes, plus soci­aux, ren­ver­sant les repères clas­siques pour élargir le lec­torat au-delà de la cible jeunesse.

Aux « Humanos », les pro­jets se mul­ti­plient avec, par­fois, le sou­tien financier de par­ents ou d’ami·es. Très vite, le pro­jet édi­to­r­i­al se con­cré­tise. « Elles étaient quelques dessi­na­tri­ces, col­oristes et jour­nal­istes à se plain­dre de devoir assumer les phan­tasmes mas­culins déguisés en règle d’or dans la presse. Nous passâmes aux actes, esquis­sant une idée de jour­nal », racon­te Édith Ori­al en ouver­ture du pre­mier numéro d’Ah!Nana. L’équipe a déjà l’imprimeur de Métal, le reste suiv­ra. On paie au smic sans trop s’encombrer des coti­sa­tions sociales. « J’étais une pas­sion­née, admi­ra­tive de mon mari, qui avait une cul­ture incroy­able, admet Jan­ic Guillerez, qui est dev­enue la rédac­trice en chef. Métal hurlant, c’était un peu notre bébé. Les femmes de ma généra­tion qui ont tra­vail­lé avec leur mari – arti­san, agricul­teur – n’avaient rien. Je n’ai pas fait Ah!Nana pour le fric. » L’époque est rock and roll, mais cer­taines trin­quent plus que d’autres. Jan­ic Guillerez ne tient pas à s’étendre sur sa mini retraite.

Extrait d’une planche d’Olivia Clavel paru dans Ah!Nana no 1, en 1976. « La bande dessinée était, avec la musique rock, le seul enfant moderne de l’art qui touchait autant de monde. »2023 - HUMANOIDS, INC / LES HUMANOÏDES ASSOCIÉS

Extrait d’une planche d’Olivia Clav­el paru dans le numéro 1 de Ah!Nana, en 1976. Crédit : HUMANOIDS, INC / LES HUMANOÏDES ASSOCIÉS

Electric clito et son avatar graphique

Trou­ver des dessi­na­tri­ces n’est pas aisé. Rares sont les sig­na­tures féminines dans le secteur, peu encour­agées par le milieu. « Toutes les semaines, j’ai frap­pé à la porte de Wolin­s­ki à Char­lie Heb­do. Il me dis­ait : “Va plutôt te mari­er et faire des enfants.” Il a fal­lu un an pour qu’il me prenne un dessin », racon­te Olivia Clav­el, dont les planch­es vont être adop­tées par Ah!Nana. Entrée à 16 ans aux Beaux-Arts, elle y a ren­con­tré Loulou et Kiki Picas­so, Lulu Larsen, Bana­nar. Cette petite troupe a créé en 1975 le « com­man­do graphique » Bazooka, qui inter­vient sauvage­ment dans Libéra­tion. Petit à petit, Bazooka grig­note le cadre qui lui était impar­ti et détourne pho­tos et textes par ses inter­ven­tions plas­tiques. Le col­lec­tif punk s’attire vite les foudres des pho­tographes et des jour­nal­istes du quo­ti­di­en et fini­ra dans un encart à part, sauvé par Serge July, alors rédac­teur en chef du quo­ti­di­en. « Nous avions déjà com­pris que la bande dess­inée était, avec la musique rock, le seul enfant mod­erne de l’art qui touchait autant de monde », en rit encore Olivia Clav­el, que Loulou Picas­so a rebap­tisée Elec­tric Cli­to. Son avatar graphique, Télé, intè­gre Ah!Nana. Ni homme ni femme, ce per­son­nage pos­sède un écran en guise de vis­age, et dénonce déjà la dic­tature de l’image, mais de façon foutraque, jamais démon­stra­tive. Côté dessin, on recon­naît le style ayant inspiré l’autrice de BD québé­coise Julie Doucet (qui rem­portera le Grand Prix d’Angoulême en 2022).

 


« Wolin­s­ki me dis­ait : “Va plutôt te mari­er et faire des enfants.” »

Olivia Clav­el


 

« Je ne suiv­ais pas trop les thé­ma­tiques. C’était hyper ouvert, avec une grosse lib­erté d’expression », se remé­more Elec­tric Cli­to. « Très intu­itive », Jan­ic Guillezec pro­pose à chaque numéro des thèmes pré­cis qui parais­sent aujourd’hui d’avant-garde : tran­si­d­en­tité, inces­te, homo­sex­u­al­ité, avorte­ment, banal­i­sa­tion des idées nazies… Per­son­ne ne se sou­vient de con­férences de rédac­tion régulières ou même de moments col­lec­tifs. Sou­vent, la rédac­tion pro­pose, les dessi­na­tri­ces dis­posent. C’est Jean-Pierre Dion­net qui repère Nicole Claveloux dans la presse jeunesse. Sur­réal­iste, hyper fouil­lé, son trait étrange et inspiré par ses rêves détonne dans la revue Okapi, mag­a­zine pour ados de Bayard Presse. On lui ouvre les colonnes d’Ah!Nana, puis de Métal hurlant. « Ils me lais­saient l’un comme l’autre toute lib­erté. Je ne tra­vail­lais pas “avec” eux, je tra­vail­lais chez moi et, à la date con­v­enue, j’apportais mes pages, avec le risque qu’elles soient refusées – ce qui n’est jamais arrivé », racon­te l’autrice dans un hors-série Métal hurlant (1) paru en octo­bre 2023, qui rend enfin hom­mage au mag­a­zine féminin, après l’avoir oublié toutes ces années.

« Je con­nais­sais déjà le tra­vail de Nicole Claveloux, notam­ment en tant qu’illustratrice d’Alice aux pays des mer­veilles (2) », racon­te la dessi­na­trice Jeanne Puchol, une fan de la pre­mière heure. Elle a 19 ans quand elle achète le pre­mier numéro de la revue, et se pro­cur­era religieuse­ment tous les autres. « Au-delà de la somp­tu­osité de ses dessins, j’adorais comme elle tour­nait les con­tes de fées en déri­sion, par exem­ple dans La Conasse et le Prince char­mant ou Planche-Neige. Ses par­o­dies en noir et blanc, avec leur côté sub­ver­sif, me fai­saient hurler de rire. Il y avait aus­si de l’audace. Par exem­ple, dans une his­toire comme Une gamine tou­jours dans la lune, on voit une enfant en train de se mas­turber sur un accoudoir de fau­teuil. C’était com­plète­ment fou. Elle a été une des pre­mières à abor­der la sex­u­al­ité fémi­nine sans tabou. Il fal­lait voir d’où on venait, avec le côté cul ser­ré et corseté de la société française des années 1960. »

 

Insurrections hétérogènes

Flo­rence Ces­tac y pub­lie sa pre­mière bande dess­inée, alors qu’elle vient de fonder la mai­son d’édition Futur­opo­lis avec Éti­enne Robial. Cecil­ia Capua­na apporte un univers plus baroque. La Sicili­enne a com­bat­tu « l’art bour­geois » en 1968, par­ticipé à un col­lec­tif marx­iste-lénin­iste, bien con­nu le cinéaste Fed­eri­co Felli­ni, et char­bon­né dans de nom­breux jour­naux et fanzines fémin­istes ital­iens. Une amie fait pass­er ses planch­es à Ah!Nana, qui les pub­lie aus­sitôt. Issue de la presse poli­tique, Chan­tal Mon­tel­li­er n’a pas encore cocréé (avec Jeanne Puchol et l’historienne Marie-Jo Bon­net) le prix Artémisia, qui récom­pense des BD réal­isées par des femmes, mais, déjà, elle tient dans le mag­a­zine un dis­cours engagé. « Je trou­vais son per­son­nage Andy Gang trop démon­stratif, recon­naît Jeanne Puchol. Mais son tra­vail dans les derniers numéros avait une nar­ra­tion plus libre, un ton par­ti­c­ulière­ment auda­cieux pour l’époque : des espèces de tranch­es de vie, une ambiance. Dans ces années-là, ça ne se fai­sait pas du tout. Les his­toires tour­naient autour d’un héros, se tenaient avec un début et une fin, même si cer­tains envoy­aient aux pelotes les con­ven­tions de l’époque. Là, on se rap­prochait de la nar­ra­tion du ciné­ma, de la Nou­velle Vague, où l’on suit des per­son­nages sans la néces­sité de rebondisse­ments, de péripéties. »

Extrait d’une planchede Rêve, de Cecilia Capuana, paru dans le no 1 de Ah!Nana, en 1976. L’illustratrice sicilienne, après avoirparticipé à un collectif marxiste-léniniste, avait travaillé dans de nombreux journaux et fanzines féministes italiens. 2023 - HUMANOIDS, INC / LES HUMANOÏDES ASSOCIÉS

Extrait d’une planche de Cecil­ia Capua­na, paru dans le numéro 1 de Ah!Nana, en 1976.Crédit : HUMANOIDS, INC / LES HUMANOÏDES ASSOCIÉS, 2023.

Le mélange com­pos­ite des autri­ces donne un esprit insur­rec­tion­nel au mag­a­zine, dont le con­tenu rédac­tion­nel est dense. On y défend le Mlac (3) et on chronique le rock féminin, de Blondie à Pat­ti Smith. L’écrivaine et ani­ma­trice de radio Paula Jacques, qui n’a pas encore reçu le prix Fem­i­na (il lui sera décerné en 1991), y rédi­ge des cri­tiques. Sotha, fon­da­trice du Café de la Gare (4), lance ses coups de gueule, et l’on peut même y décou­vrir un roman-pho­to signé Agnès Var­da, tiré de son film L’une chante, l’autre pas (1977). « Le mag­a­zine était réal­isé par un groupe très hétérogène, ce qui a pro­duit un résul­tat bour­ré de con­tra­dic­tions internes », analyse Blanche Delabor­de, la seule uni­ver­si­taire à s’être intéressée à Ah!Nana. Olivia Clav­el, les­bi­enne assumée, reje­tait l’étiquette de « fémin­iste », trop « bour­geoise » et « intel­lectuelle » à ses yeux. À l’inverse, Chan­tal Mon­tel­li­er fera par­tie des sig­nataires du man­i­feste inti­t­ulé « Navrant », paru dans Le Monde le 28 jan­vi­er 1985, qui dénonce les dérives sex­istes et racoleuses de la BD, avec Flo­rence Ces­tac, Nicole Claveloux et Jeanne Puchol : « Rétro, humour fin de race, potins mondains-branchés, nos­tal­gie colo­niale, vio­lence gra­tu­ite, pou­jadisme, sexe-con, fétichisme, sex­isme et infan­til­isme sont à l’ordre du jour… » Leur con­stat est déjà acca­blant.

« La rédac­trice en chef ne se con­sid­érait pas comme fémin­iste et voy­ait le fémin­isme comme un mou­ve­ment cli­vant qui avait servi mais qu’on devait dépass­er, reprend Blanche Delabor­de. Beau­coup d’autrices et de col­lab­o­ra­tri­ces se con­sid­éraient en revanche comme fémin­istes et s’exprimaient sur des sujets dis­cutés à l’époque dans les divers courants du fémin­isme. » Un éclec­tisme revendiqué par Jan­ic Guillerez : « Il y a tou­jours une diver­sité de vérités. Je n’ai jamais rien refusé, même si j’ai détesté cer­taines couv’. Je ne voulais surtout pas de cen­sure, mais une tri­bune libre pour les femmes. La lib­erté, ça ne s’acquiert pas avec des car­rés ou des rec­tan­gles. Ça s’acquiert avec l’ouverture totale. »

Jeune, Jeanne Puchol était déjà très sen­si­ble à la parole des femmes, nour­rie par les péri­odiques de l’époque : le jour­nal « men­stru­el » édité par le MLF, Le tor­chon brûle, entre 1971 et 1973, et Sor­cières, bimestriel lit­téraire et artis­tique lancé en 1975 qui paraî­tra jusqu’en 1982. « Ah!Nana n’était pas fémin­iste comme on l’entend aujourd’hui, con­vient-elle. C’était un mag­a­zine qui s’emparait des ques­tions de société de l’époque d’un point de vue de femmes. Elles par­laient de ques­tions qui leur étaient con­tem­po­raines, mais pas dans un souci mil­i­tant ou idéologique. Il y a des con­sid­éra­tions et des pro­pos ambi­gus, dans le goût de la provoc’, qui nous sem­blent con­tre-pro­duc­tifs main­tenant dans une per­spec­tive fémin­iste. Mais elles revendi­quaient com­plète­ment cette ambiva­lence. Par exem­ple dans la représen­ta­tion de la nudité, ou dans cer­taines thé­ma­tiques abor­dées comme l’inceste, où il n’y a ni con­damna­tion ni éloge. Dans les années 1970, ça pas­sait, au nom de la libéra­tion sex­uelle, de la gifle aux bour­geois. Des représen­ta­tions qui ne passeraient plus du tout aujourd’hui. »

 

Grand prix d’angoulême : seules cinq femmes depuis 1974

Si Nicole Claveloux et Cecil­ia Capua­na pub­lient égale­ment des dessins dans Sor­cières, les passerelles s’arrêtent là pour Blanche Delabor­de : « Alors que Sor­cières était le jour­nal d’un courant pré­cis du fémin­isme français, avec un posi­tion­nement idéologique con­stru­it et une cer­taine col­oration intel­lec­tu­al­iste, Ah!Nana était un mag­a­zine de diver­tisse­ment sans ligne édi­to­ri­ale ou idéologique claire, lié à un univers pro­fes­sion­nel et à un imag­i­naire très mas­culin et peu légitime dans le champ intel­lectuel », remar­que-t-elle. Moins rad­i­cale, Jeanne Puchol estime que « chaque thé­ma­tique était sur une ligne de crête. Les unes, faites d’un dessin assez réal­iste, se situ­aient sur une fron­tière, mais il y avait tou­jours des sig­naux dis­crets dans l’image qui fai­saient qu’on ne pou­vait pas se mépren­dre. C’était plus sub­ver­sif que racoleur. »

Dessin extrait du no 9 (1978) de Ah!Nana, illustration de Chantal Montellier accompagnant un article revenantsur l’interdiction aux mineur·es du numéro consacré à l’homosexualité (voir page 111) eu des conséquences économiques désastreuses pour le magazine. 2023 - HUMANOIDS, INC / LES HUMANOÏDES ASSOCIÉS

Dessin extrait du numéro 9 (1978) de Ah!Nana, illus­tra­tion de Chan­tal Mon­tel­li­er accom­pa­g­nant un arti­cle revenant sur l’interdiction aux mineur·es du numéro con­sacré à l’homosexualité. Crédit : HUMANOIDS, INC / LES HUMANOÏDES ASSOCIÉS

Le jour­nal inspire de jeunes dessi­na­tri­ces qui décou­vrent enfin des sig­na­tures féminines dans un univers exclu­sive­ment mas­culin, mais il dérange la bonne société. En 1978, le numéro con­sacré à l’homosexualité subit une inter­dic­tion de vente aux mineur·es, d’exposition et de pub­lic­ité par voie d’affiche. Pour y avoir accès, il faut le deman­der au kiosque. Une cen­sure qui ne porte pas son nom aux con­séquences finan­cières dévas­ta­tri­ces. Après neuf numéros, Ah!Nana s’arrête. Et dis­paraît de la mémoire du 9e art. Les nou­velles généra­tions d’autrices n’ont pas enten­du par­ler de cette revue, et pour­tant… Après trente ans de bande dess­inée, Flo­rence Ces­tac est la deux­ième femme (après Claire Bretéch­er en 1982, pour le prix du dix­ième anniver­saire) à recevoir le Grand Prix du Fes­ti­val inter­na­tion­al de la BD (FIBD) d’Angoulême en 2000. Elles ne sont tou­jours que cinq à l’avoir obtenu depuis 1974 (5). Ses con­sœurs d’Ah!Nana n’ont pour­tant jamais arrêté. De la BD à la pein­ture, elles s’exposent. Les œuvres de Nicole Claveloux ont enfin été rééditées par Cornélius en 2019 et magis­trale­ment exposées l’année suiv­ante au FIBD. Les pein­tures au jaune fluo d’Olivia Clav­el, qui a aus­si réal­isé le clip de Brigitte Fontaine Le Nougat, se décou­vrent en galerie. Cecil­ia Capua­na peint des por­traits. Chan­tal Mon­tel­li­er écrit. Quar­ante-six ans plus tard, les Nanas sont tou­jours là. •

Cet arti­cle a été édité par Elise Thiébaut.

 


(1) Métal hurlant, Ah!Nana, hors-série, octo­bre 2023

(2) L’album illus­tré pour la jeunesse, d’après l’œuvre de Lewis Car­roll, est paru pour la pre­mière fois en 1974 chez Gras­set Jeunesse, avant d’être réédité en 2013 chez le même édi­teur.

(3) Le Mou­ve­ment pour la libéra­tion de l’avortement et de la con­tra­cep­tion (Mlac) défendait le droit à l’avortement avant sa dépé­nal­i­sa­tion, en 1975. Lire La Défer­lante no 13, mars 2024.

(4) Le Café de la Gare est un café-théâtre parisien ouvert en 1969 par Romain Bouteille avec, entre autres, Cather­ine Sigaux
(alias Sotha), Patrick Dewaere, Coluche et Miou-Miou.

(5) Claire Bretéch­er (1982), Flo­rence Ces­tac (2000), Rumiko Taka­hashi (2019), Julie Doucet (2022), Posy Sim­monds (2024).

Kareen Janselme

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Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°14 Dessin­er, paru en mai 2024. Con­sul­tez le som­maire.


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