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Affaire Christophe Girard : un procès-bâillon pour six militant·es féministes

Six militant·es fémin­istes se tien­dront sur le banc des prévenu·es ce jeu­di 14 mars et ce ven­dre­di 15 mars, devant la 17e cham­bre du tri­bunal cor­rec­tion­nel de Paris. Poursuivi·es pour injures publiques et diffama­tion par Christophe Girard, elles et il devront répon­dre de tweets et de retweets datant de juil­let 2020. Qua­tre ans après leur prise de parole con­tre l’ancien adjoint à la cul­ture de la ville de Paris, les six dénon­cent une « procé­dure-bâil­lon ».
Publié le 14/03/2024

Modifié le 16/01/2025

Des militant·es féministes manifestent le 23 juillet 2020 devant la mairie de Paris pour demander la démission de l’adjoint à la culture, Christophe Girard. Crédit photo : Élodie Cellier.
Des militant·es fémin­istes man­i­fes­tent le 23 juil­let 2020 devant la mairie de Paris pour deman­der la démis­sion de l’adjoint à la cul­ture, Christophe Girard. Crédit pho­to : Élodie Cel­li­er.

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°13 Avorter, paru en mars 2024. Con­sul­tez le som­maire.

Les faits remon­tent au mois de juil­let 2020. Devant la mairie de Paris, plusieurs manifestant·es s’opposent à la recon­duc­tion de Christophe Girard au poste d’adjoint à la cul­ture. Le groupe dénonce ses liens avec Gabriel Matzn­eff, pour­suivi pour vio­ls sur mineure à la suite de la pub­li­ca­tion du livre de Vanes­sa Springo­ra, Le Con­sen­te­ment, dans lequel elle décrit l’emprise exer­cée sur elle par l’écrivain, de 35 ans son aîné.

Un mois après cette défla­gra­tion lit­téraire, le New York Times révélait que, à la fin des années 1980, Christophe Girard, alors secré­taire général de la mai­son Yves Saint Lau­rent, réglait les fac­tures d’hôtel de Gabriel Matzn­eff, lui per­me­t­tant ain­si, comme le racon­te Vanes­sa Springo­ra, d’échapper aux « vis­ites de la brigade des mineurs ».

« On man­i­fes­tait con­tre lui en tant qu’homme blanc de pou­voir ayant par le passé soutenu un artiste pour­suivi pour viol », se sou­vient l’activiste Alix Béranger [mem­bre du comité édi­to­r­i­al de La Défer­lante] aujourd’hui pour­suiv­ie. « Nous avons sim­ple­ment repartagé des enquêtes sour­cées et sérieuses de médias d’investigation comme le New York Times et Medi­a­part », pour­suit Alice Cof­fin, élue Europe écolo­gie-Les Verts à Paris.

Christophe Girard finit par quit­ter ses fonc­tions, le 23 juil­let 2020. Moins de deux mois plus tard, il dépose plainte avec con­sti­tu­tion de par­tie civile pour « diffama­tions et injures publiques envers un citoyen chargé d’un man­dat pub­lic » pour des posts pub­liés sur le réseau social Twit­ter par les con­seil­lères écol­o­gistes Alice Cof­fin et Raphaëlle Rémy-Leleu, ain­si que par qua­tre autres militant·es : Alix Béranger, Col­ine Clavaud-Mégevand, Céline Piques et Mor­gan Jasien­s­ki.

« Un parpaing dans la figure »

Comme tou­jours pour ce type de plaintes, un·e juge d’instruction est alors automa­tique­ment nommé·e — qu’im­porte que les charges soient ou non jugées suff­isantes — et un procès organ­isé. Le 28 jan­vi­er 2022, les six militant·es reçoivent leur mise en exa­m­en par let­tres recom­mandées. Col­ine Clavaud-Mégevand se sou­vient de cet après-midi où « un fac­teur débar­que avec une enveloppe très offi­cielle » : « J’ai eu l’impression de me pren­dre un parpaing dans la fig­ure. » Raphaëlle Rémy-Leleu décrit le « choc de l’annonce » sur­v­enue plusieurs mois après la pub­li­ca­tion de tweets qu’elle juge « mil­i­tants mais pas diffamants ».

Passé l’effet de sur­prise, pen­dant plusieurs mois s’enchaînent con­vo­ca­tions au tri­bunal et ren­dez-vous avec leurs avocat·es. « C’est une grosse perte de temps et d’argent, et beau­coup de stress », résume Alix Béranger. Pour répon­dre à l’attaque pour injure publique de son tweet « Pas d’adjoint à la cul­ture du viol », posté le 19 juil­let 2020, elle a dû affron­ter « des années de charge men­tale, de recueil d’attestations et de témoignages ». Selon son avo­cate Mathilde Eve­nou, « cette affaire est liée à la lib­erté d’expression : il va fal­loir prou­ver qu’une telle pub­li­ca­tion s’inscrit dans un débat poli­tique d’intérêt général ». Céline Piques, prési­dente de l’association Osez le fémin­isme ! au moment de la pub­li­ca­tion de tweets fait égale­ment part de son « épuise­ment » après qua­tre années de procé­dure. Alice Cof­fin décrit, elle, l’impact de cette affaire au quo­ti­di­en: « for­cé­ment très chronophage ».


« CETTE JUSTICE PERMET AUX HOMMES FURIEUX D’ÊTRE ACCUSÉS DE VIOLENCES SEXUELLES DE SE VENGER »


Deux jours d’audience

Cette perte de temps s’accompagne d’une perte finan­cière pour les prévenu·es dont les frais d’avocat ne peu­vent être pris en charge. Alix Béranger et Col­ine Clavaud-Mégevand esti­ment le coût de leur défense à 3 000 euros. Des dépens­es aux­quelles s’ajoutent, pour Alix Béranger, psy­cho­logue en libéral, « deux jours de perte sèche de revenus » pour sa présence au procès.

« Cette jus­tice per­met aux hommes furieux d’être accusés de vio­lences sex­uelles de se venger, mais elle inter­dit aux femmes vic­times d’être recon­nues », analyse Céline Piques, aujourd’hui prési­dente de la com­mis­sion « vio­lence » du Haut Con­seil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE). Dans un com­mu­niqué d’octobre 2022, celui-ci rap­pelait que moins de 10 % des femmes vic­times de vio­lences sex­uelles por­tent plainte en France, que 80 % de ces plaintes sont classées sans suite et que 1 % aboutis­sent à une con­damna­tion pénale.

Une nouvelle procédure-bâillon

Qu’il s’agisse de San­drine Rousseau, de San­dra Muller, des accusatri­ces de Patrick Poivre d’Arvor ou plus récem­ment de Judith Godrèche, nom­breuses sont les femmes attaquées en diffama­tion depuis l’avènement de #MeToo dans les médias, en 2017. « On sait qu’on risque des repré­sailles », souf­fle Céline Piques. Ces procé­dures sont dev­enues « une con­stante dans les dossiers où l’on dénonce des vio­lences sex­uelles », explique l’avocate Élodie Tuail­lon-Hibon, spé­cial­iste de ce type d’af­faires, qui insiste sur « l’impact ter­ri­ble d’autocensure » qui découle de ces procé­dures. Pour sa cliente Raphaëlle Rémy-Leleu, être pour­suiv­ie devant la jus­tice à la suite d’une plainte de Christophe Girard ne fait que prou­ver le « ridicule de cru­auté qui accom­pa­gne le fait d’être une femme en poli­tique », et qui oblige à met­tre en place des « mécan­ismes de pro­tec­tion ».

Pour lut­ter con­tre les con­séquences de ces « procé­dures-bâil­lons », comme les surnom­ment les asso­ci­a­tions fémin­istes, Céline Piques appelle à une tra­duc­tion dans la loi française d’une « pro­tec­tion des lanceur·euses d’alerte, comme il en existe dans cer­tains pays ». Aux États-Unis et au Cana­da, plusieurs États et provinces ont adop­té une loi visant à pro­téger les militant·es des pour­suites en diffama­tion. Ces lég­is­la­tions per­me­t­tent de rejeter, sur demande, toute procé­dure judi­ci­aire abu­sive.

En atten­dant de telles avancées en France, Mathilde Eve­nou, avo­cate d’Alix Béranger, espère pou­voir compter sur « la jurispru­dence San­dra Muller » : pour­suiv­ie en diffama­tion par l’ancien patron de la chaîne Equidia Éric Brion, l’initiatrice du hash­tag #Bal­ance­Ton­Porc avait été relaxée en 2019. La cour d’appel de Paris avait estimé que « les dénon­ci­a­tions rel­e­vaient de la lib­erté d’expression ». Une déci­sion con­fir­mée en 2022 par la Cour de cas­sa­tion inval­i­dant un pre­mier juge­ment de la 17e cham­bre du tri­bunal cor­rec­tion­nel de Paris.

C’est devant cette même cham­bre que com­para­îtront à par­tir de 13 h 30, ce jeu­di, les six prévenu·es. Trois sont pour­suiv­ies pour diffama­tion envers un citoyen chargé d’un man­dat pub­lic et encourent jusqu’à 45 000 € d’amende. Pour celles et celui poursuivi·es pour injures publiques envers un citoyen chargé d’un man­dat pub­lic, la peine encou­rue pour­rait s’élever à 12 000 €.

Con­tac­tée, l’avocate de Christophe Girard n’a pas souhaité s’exprimer avant l’audience.

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Marie-Agnès Laffougère

Journaliste indépendante, elle travaille pour Têtu, Livres Hebdo et Radio France sur des sujets liés au genre et aux questions LGBT+. Voir tous ses articles

AVORTER : UNE LUTTE SANS FIN

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