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Violences conjugales : entre femmes aussi

Les vio­lences dans les cou­ples de femmes sont à la fois un angle mort du fémin­isme et un sujet tabou. Mais des voix se font enten­dre pour dénon­cer ces vio­lences. Enquête sur un enjeu qui com­mence tout juste à émerg­er.
Publié le 01/02/2024

Modifié le 16/01/2025

Violences conjugales, entre femmes aussi
Céli­na Guiné pour La Défer­lante

Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°13 Avorter, paru en mars 2024. Con­sul­tez le som­maire.

« Il y a de fortes chances pour que je meure un jour de ma rela­tion. Mon nom ne sera pas sur les murs, je ne serai pas dans les décomptes des fémini­cides : même dans la mort, je n’existerai pas. » Voilà ce que se répé­tait sans cesse Sophie à l’époque où elle était mar­iée.

Une ren­con­tre, un mariage, un enfant, puis, près de dix ans plus tard, un divorce et une con­damna­tion de son ex-com­pagne pour vio­lences con­ju­gales. Une his­toire d’amour qui n’en était pas une.

Comme Sophie, amantes, amies, con­jointes, épous­es, mères, les­bi­ennes ou bisex­uelles ont subi ou endurent encore des vio­lences dans leurs rela­tions intimes avec d’autres femmes (1) – elles aus­si des amantes, amies, épous­es, les­bi­ennes ou bies… mais égale­ment des agresseuses. « C’était quelqu’un qui ne sup­por­t­ait pas que je dise non », se sou­vient de son côté l’artiste et illus­tra­trice Riz­zo Bor­ing. Celle qui se revendique « mil­i­tante gouine et hand­ie » témoigne en son nom pour la pre­mière fois, sept ans après la fin d’une rela­tion qui a duré six mois. « À chaque fois qu’on se voy­ait, il y avait des moments de vio­lence, de crise et de ten­sion. Elle me dén­i­grait et m’humiliait. Elle me dis­ait que j’étais bête, pas digne de con­fi­ance ni apte à faire mes choix. À la longue, on finit par y croire. » Et comme le racon­te Sophie, qui tient le compte Insta­gram « Vio­lences en milieu queer », on se retrou­ve au bout d’un moment isolée de ses proches : « Étant don­né la vio­lence que cela provo­quait chez mon ex-com­pagne, je préférais renon­cer à voir mes ami·es, cela ne valait pas le coup. »

 

Mettre à distance la norme hétéro

Cer­tains points com­muns exis­tent avec les vio­lences com­mis­es dans un con­texte hétéro : l’isolement d’avec l’entourage ou le dén­i­gre­ment per­pétuel, par exem­ple. Mais les vio­lences au sein des cou­ples les­bi­ens ne sont pas le miroir de celles qui écla­tent dans les cou­ples hétéros. Comme l’explique la soci­o­logue et démo­graphe Tania Lejbow­icz, dans des cou­ples de même genre, lorsque les femmes déclar­ent des vio­lences, elles « rap­por­tent plus d’actes psy­chologiques, mais moins de vio­lences physiques et encore moins de vio­lences sex­uelles » que les femmes qui déclar­ent des vio­lences dans les cou­ples de sexe opposé. Pas besoin de dimen­sion physique pour que la vio­lence existe : en sci­ences sociales, « on par­le même de ter­ror­isme con­ju­gal lorsque est exer­cé un con­trôle con­tinu accom­pa­g­né de dén­i­gre­ment, qui place la vic­time dans une sit­u­a­tion d’angoisse per­ma­nente ». Une forme de coerci­tion observée en milieu les­bi­en, même si elle est plus rare que dans les cou­ples hétéros. Tania Lejbow­icz, qui a tra­vail­lé sur le volet LGBT de l’enquête Vio­lences et rap­ports de genre (dite « Virage ») de l’Institut nation­al d’études démo­graphiques (Ined), rap­pelle qu’en met­tant à dis­tance la norme hétéro­sex­uelle, les les­bi­ennes et les bies peu­vent adopter une lec­ture dif­férente de la vio­lence et de la sex­u­al­ité : « On le voit en prenant un con­texte égal, le cadre du cou­ple hétéro. Les les­bi­ennes qui ont eu des rela­tions avec des hommes cis­gen­res et les per­son­nes bisex­uelles déclar­ent plus qu’elles ont subi des vio­lences sex­uelles de la part d’un ex-con­joint vio­lent, et les hétéro­sex­uelles déclar­ent beau­coup plus avoir subi des vio­lences physiques. »

Cer­taines vio­lences cepen­dant sont spé­ci­fiques aux per­son­nes queer, comme le fait de ne pas être genré·e cor­recte­ment – le mégen­rage –, ou la men­ace de voir révélée à son insu son iden­tité de genre ou son ori­en­ta­tion sex­uelle dans un espace où l’on est encore dans le plac­ard, une pra­tique appelée out­ing. L’assignation sociale des femmes au care, c’est-à-dire au fait de pren­dre soin des autres, n’empêche pas que la san­té aus­si devi­enne un levi­er de con­trôle. Durant la péri­ode où elle vivait une rela­tion vio­lente, la patholo­gie dont souf­fre Riz­zo Bor­ing n’avait pas encore été diag­nos­tiquée, et elle se trou­vait en sit­u­a­tion d’errance médi­cale. Son ex-com­pagne « était per­suadée de savoir quel était le bon traite­ment ou le bon médecin pour moi, et cela m’a mise en dan­ger. Comme elle était une de mes seules ressources au quo­ti­di­en, je pen­sais ne pou­voir compter que sur elle si la mal­adie empi­rait. »

Mais le con­texte spé­ci­fique les­bi­en n’est pas for­cé­ment gage d’une prise de con­science accrue. « Le fait d’être les­bi­enne a beau­coup brouil­lé les pistes, souligne Sophie. On par­le de quelqu’un qui me met­tait des coups de poing et de pied, qui a voulu m’étrangler à plusieurs repris­es : si, dès les prémiss­es, j’avais vécu les mêmes choses avec un mec cis­genre, je ne serais pas allée aus­si loin. » Avant d’être elle-même vic­time de vio­lences, Riz­zo Bor­ing avait, de son côté, déjà accom­pa­g­né des femmes vio­len­tées au sein d’une asso­ci­a­tion. Con­nais­sant très bien les mécan­ismes de l’emprise, elle pen­sait être à l’abri. « Même moi, j’ai cru que c’était moins grave parce que cela venait d’une femme. C’est impor­tant de rap­pel­er qu’être fémin­iste ne nous pro­tège pas. » Et l’entourage, aus­si aver­ti soit-il, peut être aveu­gle aux signes qui affleurent. « Un jour où j’étais en short avec les cuiss­es cou­vertes de bleus, un ami m’a demandé en rigolant si on avait des pra­tiques sado­masochistes, se sou­vient Sophie. Peut-être qu’il aurait été plus à l’affût si j’avais été avec un homme. » À l’affût, les per­son­nes queer le sont, mais elles ne sont pas social­isées pour repér­er la vio­lence au sein de leur pro­pre com­mu­nauté : « Je me dis­ais : “L’ennemi, c’est l’homophobe, pas la per­son­ne que je crois aimer” ». Elle qui s’est mar­iée dès 2013, juste après la loi sur le mariage pour tous et toutes, se sou­vient des « mon­ceaux d’insultes » reçus durant cette séquence médi­ati­co-poli­tique : « J’en pleu­rais. Pour moi, la vio­lence était là. Alors, se dire que cela pou­vait venir de tous les côtés, c’était trop. »

 

Les limites de la solidarité communautaire

Selon Nabin­tou Mendy, chargée, au sein de l’association En avant toute(s), d’une per­ma­nence d’accompagnement social et psy­chologique pour les per­son­nes LGBT+ vic­times de vio­lences con­ju­gales, par­ler peut être vécu comme une forme d’échec per­son­nel pour les per­son­nes les­bi­ennes et bies qui, en rela­tion­nant avec d’autres femmes, ont cru échap­per à une forme de vio­lence typ­ique du cadre hétéro­sex­uel. Pour elle, le slo­gan « Le fémin­isme, c’est la théorie, le les­bian­isme, c’est la pra­tique », qui fleu­rit de nou­veau sur les pan­car­tes des man­i­fes­ta­tions ces dernières années, peut ren­forcer l’idée qu’une sor­tie de l’hétérosexualité pro­tège. Or, « nous vivons dans une société patri­ar­cale où la vio­lence est omniprésente. Peu importe notre genre ou notre ori­en­ta­tion sex­uelle, on peut repro­duire cette vio­lence dans le cer­cle intime. »

 

Un matériau prisé par les masculinistes

Dans ce con­texte, par­ler, c’est par­fois se heurter à des formes de min­imi­sa­tion, de déni ou de rejet de la part d’autres per­son­nes LGBT+. C’est ce qui a décidé Lucie à lancer avec une amie, en 2022, le hash­tag #MeTooLes­bi­en, devenu depuis une plate­forme de témoignages : « Je n’ai reçu qua­si­ment aucun sou­tien au moment où je vivais des vio­lences dans mes rela­tions. Et même des années plus tard, c’est tou­jours dif­fi­cile d’en par­ler libre­ment. On a par­fois intéri­or­isé le gaslight­ing (2) de nos agresseurs et agresseuses, ou même celui de la com­mu­nauté LGBT, on se dit qu’il y a des com­bats plus impor­tants à men­er, que d’autres ont vécu bien pire. On peut égale­ment cul­pa­bilis­er de dénon­cer des per­son­nes qui ont elles aus­si été vic­times de vio­lences et d’injustice. » Car un groupe struc­turé par l’expérience du vécu minori­taire – qu’il soit féminin, les­bi­en, queer ou trans – peut met­tre en place des mécan­ismes d’autodéfense com­mu­nau­taire, dans lesquels la cohé­sion du col­lec­tif se fait au détri­ment de cer­tains de ses mem­bres. Si bien que la libéra­tion de la parole est par­fois plus facile auprès de fémin­istes hétéros, témoigne Riz­zo Bor­ing : « Elles n’avaient pas le souci de la soror­ité les­bi­enne, et pour elles, ce que je vivais était très clair. »

Dès lors, témoign­er de vio­lences con­ju­gales entre femmes, est-ce desservir la cause LGBT+ ? Cer­taines préfèrent ne pas pren­dre ce risque, et évi­tent d’évoquer ces vio­lences lorsqu’elles s’adressent à un pub­lic peu sen­si­bil­isé aux luttes fémin­istes. La soci­o­logue Vanes­sa Watremez se sou­vient avoir décliné de nom­breuses inter­views, notam­ment pour la télévi­sion : « Il y avait beau­coup de les­bo­pho­bie et d’homophobie dans les médias après le pas­sage du pacs en 1999. Alors, dire que les les­bi­ennes étaient vio­lentes dans leurs rela­tions, c’était en rajouter une couche. Je craig­nais que cela soit mal com­pris. » Mal com­pris, ou claire­ment instru­men­tal­isé. Les mas­culin­istes font feu de tout bois : tan­tôt ils se ser­vent des vio­lences les­bi­ennes (qui seraient la preuve qu’il n’y a pas de spé­ci­ficité mas­cu­line dans le recours aux vio­lences) pour dédouan­er les hommes agresseurs et dis­créditer les travaux fémin­istes ; tan­tôt ils recon­duisent un imag­i­naire les­bo­phobe en asso­ciant de manière automa­tique iden­tité butch (3) et les­bi­enne agresseuse, alors que des les­bi­ennes tant butch que fems peu­vent être vio­lentes et abu­sives dans leurs rela­tions intimes.

Dans ce con­texte, les études soci­ologiques sur les les­bi­ennes agresseuses devi­en­nent un matéri­au prisé par les défenseurs de l’ordre patri­ar­cal. Vanes­sa Watremez se sou­vient d’une de ses inter­ven­tions au Québec en 2004. « Il y avait des mas­culin­istes présents à l’entrée du col­loque qui avaient repéré la thé­ma­tique, racon­te-t-elle. Évidem­ment qu’ils étaient trop con­tents qu’on par­le de ça. » Vingt ans plus tard, en France, ce sont encore des per­son­nes proches des milieux mas­culin­istes qui ont tweeté avec le hash­tag #MeTooLes­bi­en pour dis­créditer la parole des vic­times. Pour Lucie, cette ten­ta­tive de nuire au mou­ve­ment n’est qu’une énième démon­stra­tion des vio­lences mas­cu­lines qui s’invitent dans un espace les­bi­en, « la seule sphère dans laque­lle ils ne seront jamais les bien­venus ». Mais dans un con­texte d’instrumentalisation des vécus les­bi­ens par des mil­i­tantes trans­pho­bes ou nation­al­istes, ce sont d’autres per­son­nes que la jeune femme avait peur de voir débar­quer sur les réseaux soci­aux : « Je craig­nais que ce #MeToo soit un jour créé par des terfs (4) ou des mil­i­tantes d’extrême droite. »

Des acteurs institutionnels peu sensibilisés

Porter plainte, est-ce envis­age­able ? « À l’origine de nos mou­ve­ments, il y a des émeutes anti-flics en réac­tion aux descentes dans les lieux LGBT, rap­pelle Sophie en faisant référence aux émeutes de Stonewall (5). Ce passé, on le porte en nous quand on est un peu politisé·e, ce que je suis. Donc c’était très com­pliqué pour moi de pouss­er la porte d’un com­mis­sari­at. » Elle le fera mal­gré tout, pour dépos­er une main courante, et le par­quet se saisira de lui-même face à la grav­ité des faits.

Pour En avant toute(s), Nabin­tou Mendy a elle-même accom­pa­g­né de nom­breuses per­son­nes LGBT+ dans leur dépôt de plainte auprès de la police. Elle a con­staté à quel point les faits dénon­cés sont min­imisés lorsqu’ils sont per­pétrés par des femmes. L’association redirige aujourd’hui les vic­times vers des officiers qu’elle estime de con­fi­ance. « Les per­son­nes non for­mées par­tent du principe que des vio­lences con­ju­gales, c’est for­cé­ment mon­sieur-madame », résume Nabin­tou Mendy. Et même les professionnel·les sensibilisé·es sur ces ques­tions ne renon­cent pas facile­ment à leurs pre­miers réflex­es : « Sta­tis­tique­ment, les per­son­nes vio­lentes sont majori­taire­ment des hommes. Donc on con­tin­ue de par­tir de ce pos­tu­lat-là. »

Au-delà de la police, les autres acteurs insti­tu­tion­nels, absorbés par le tra­vail à accom­plir dans la lutte con­tre les vio­lences mas­cu­lines, peinent à s’emparer de la ques­tion des vio­lences en milieu queer. « Les struc­tures d’accompagnement de vic­times se ren­dent bien compte qu’il faut pro­gress­er sur les ques­tions LGBT+. Cer­taines ont envie de se for­mer, mais nous n’en sommes qu’au début », souligne Nabin­tou Mendy. Les struc­tures LGBT+ ne sont pas spé­ciale­ment sen­si­bil­isées à l’accompagnement de per­son­nes vic­times de vio­lences con­ju­gales, et inverse­ment. Le matériel de préven­tion est, de fait, inadap­té : par exem­ple, le vio­len­tomètre (un out­il très large­ment dif­fusé qui per­met d’autoévaluer sa rela­tion de cou­ple en situ­ant sur une échelle dif­férents actes vio­lents) genre l’agresseur au mas­culin. « Il pour­rait être plus inclusif, dégen­ré, souligne Nabin­tou Mendy, mais il existe des craintes dans le milieu que cela affaib­lisse le mes­sage poli­tique qui est der­rière. » Comme si les per­son­nes queer ne pou­vaient pas s’emparer pour elles-mêmes des out­ils fémin­istes de lutte con­tre les vio­lences, alors qu’elles sont elles-mêmes investies dans les com­bats fémin­istes.

Pour­tant, pour appréhen­der ces sujets, des recherch­es soci­ologiques exis­tent depuis quar­ante ans. Vanes­sa Watremez a tra­vail­lé dès le début des années 2000 sur des guides d’accompagnement de les­bi­ennes autri­ces et vic­times de vio­lences con­ju­gales pour le GIVCL (le Groupe d’intervention en vio­lence con­ju­gale chez les les­bi­ennes), devenu depuis le Cen­tre de sol­i­dar­ité les­bi­enne. Si, au Québec, elles ont per­mis dès le début des années 2000 d’améliorer la prise en charge des vic­times LGBT+, en France, les ini­tia­tives sont plus timides : le Plan nation­al pour l’égalité, con­tre la haine et les dis­crim­i­na­tions anti-LGBT+, présen­té par la Dil­crah (6) pour la péri­ode 2023–2026, men­tionne une meilleure inté­gra­tion des LGBT+ dans les cam­pagnes sur les vio­lences con­ju­gales, mais il est encore trop tôt pour en mesur­er les effets con­crets.

La violence intime entre femmes, un enjeu féministe

Face au déficit de ressources, chaque ini­tia­tive, même isolée, fait office d’oasis. « Je me rends compte de l’ampleur du vide qu’il y avait, je ne pen­sais pas qu’autant de per­son­nes me con­tac­teraient via mon compte Insta­gram », souf­fle Sophie. Ce compte, d’abord imag­iné comme un espace de partage de témoignages, est devenu une asso­ci­a­tion qui organ­ise des groupes de parole entre vic­times. La con­sci­en­ti­sa­tion et la for­ma­tion des milieux mil­i­tants sont un enjeu cru­cial. Pour les femmes hétéros vic­times de vio­lences, les milieux fémin­istes non mixtes sont des lieux refuges. Pas pour les per­son­nes queer. « Il y a un sen­ti­ment d’absurdité à être dans un espace fémin­iste et y crois­er la per­son­ne qui s’est com­portée de manière pas du tout fémin­iste », insiste Riz­zo Bor­ing. Pour ne pas pren­dre le risque de recrois­er son agresseuse, elle a arrêté de se ren­dre aux événe­ments fes­tifs et mil­i­tants de sa région : « Cela fait des années que je ne viens pas, et il ne se trou­ve per­son­ne pour assumer la respon­s­abil­ité de mon absence ». C’est que la dis­pari­tion silen­cieuse d’un·e de ses mem­bres est plus facile à vivre pour un groupe que « d’affronter la per­son­ne qui a com­mis des vio­lences ».


« C’est impor­tant de rap­pel­er qu’être fémin­iste ne nous pro­tège pas des vio­lences con­ju­gales. »

Riz­zo Bor­ing, artiste et illus­tra­trice


Pren­dre à bras le corps la ques­tion au sein des col­lec­tifs et des com­mu­nautés, sans gêne ni pudeur, reste encore un acte trop rare, alors même que cer­taines agresseuses sont par­fois capa­bles de pren­dre con­science de leurs com­porte­ments vio­lents. « En lisant les témoignages, une per­son­ne a recon­nu ses pro­pres agisse­ments, elle s’en voulait et regret­tait », témoigne Lucie de #MeTooLes­bi­en. Vanes­sa Watremez se sou­vient elle aus­si avoir ren­con­tré des femmes con­scientes de la grav­ité de leurs actes, et qui demandaient à être aidées. Le con­stat l’a d’abord sur­prise : « Il est très rare qu’un homme vio­lent dise “Je suis vio­lent, aidez-moi, je veux arrêter”. J’étais éton­née que cette démarche soit plus sim­ple pour des les­bi­ennes. Mais cela s’explique par la social­i­sa­tion des femmes. Il est moins toléré d’être vio­lente, on se respon­s­abilise plus là-dessus, et on se remet plus facile­ment en ques­tion. »

Cela mon­tre que la vio­lence intime entre femmes relève d’un enjeu fémin­iste. Les vic­times ont besoin aujourd’hui d’allié·es, pour penser des alter­na­tives au silence et con­stru­ire un accom­pa­g­ne­ment sur mesure, loin des automa­tismes hétéros inadap­tés. Loin aus­si de l’idée pré­conçue selon laque­lle le milieu queer serait à l’avant-garde des modes de rela­tion. « Si on veut vrai­ment devenir inspirant·es dans nos manières de rela­tion­ner de manière intime les un·es avec les autres, con­clut Sophie, il faut s’y attel­er, main­tenant. » •

 


(1) Le terme femme est util­isé dans cet arti­cle pour désign­er toute per­son­ne s’identifiant dans le genre femme, qu’elle soit cis­genre ou appar­tenant aux minorités de genre (trans, non binaire, gen­der­flu­id…).

(2) Le gaslight­ing est un ensem­ble d’attitudes inclu­ant le men­songe, l’omission ou la manip­u­la­tion d’éléments factuels, qui visent à faire douter une per­son­ne de sa per­cep­tion de la réal­ité.

(3) « Butch » désigne une femme les­bi­enne à expres­sion de genre plutôt mas­cu­line, tan­dis que « fem » recoupe une expres­sion de genre plutôt fémi­nine. Au-delà de cet aspect descrip­tif, les ter­mes définis­sent des formes d’identité au sein de la com­mu­nauté les­bi­enne.

(4) Terf, acronyme de Trans-exclu­sion­ary rad­i­cal fem­i­nist, désigne les femmes qui exclu­ent les per­son­nes trans des espaces fémin­istes. Elles ont pour argu­ment récur­rent la mise en dan­ger des femmes par la présence de femmes trans dans les espaces com­mu­nau­taires.

(5). En 1969, à la suite d’une descente de police dans un bar gay de New York, le Stonewall Inn, des émeutes écla­tent. L’événement mar­que l’émergence du mou­ve­ment pour les droits des per­son­nes LGBT+ aux États-Unis.

(6) Délé­ga­tion inter­min­istérielle à la lutte con­tre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT.

Camille Regache

Journaliste indépendante, elle travaille sur les questions de genre et LGBT+, dans le prolongement de son podcast « Camille » (Binge Audio) sur la norme hétérosexuelle. Elle est membre du collectif Hors cadre et de l’Association des journalistes lesbiennes, gay, bi·e·s, trans et intersexes (AJL). Elle signe le reportage sur les assistantes maternelles et l’histoire des Lesbian Avengers. Voir tous ses articles

Avorter : Une lutte sans fin

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