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Mon problème n’est pas d’être grosse, mais d’être mal soignée

Pour Lucie Inland, chaque prise de ren­dez-vous médi­cal s’accompagne de la han­tise d’être humil­iée. Con­sid­érée comme « obèse sévère » depuis plusieurs années, la jour­nal­iste pointe la grosso­pho­bie des médecins comme un reflet de celle qui imprègne l’ensemble de la société.
Publié le 02/02/2024

Modifié le 16/01/2025

La Défer­lante

Pour la rem­plir la sec­tion “con­texte de la pub­li­ca­tion” en bas de page : Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°13 Avorter, paru en mars 2024. Con­sul­tez le som­maire.

Quand je prends ren­dez-vous chez ma général­iste, ma den­tiste, ma gyné­co­logue, mon oph­tal­mo­logue ou un·e autre professionnel·le de san­té, c’est parce que je suis malade.

Et non parce que je suis obèse. J’ai beau venir pour d’autres prob­lèmes de san­té, beau­coup de con­sul­ta­tions ne tour­nent qu’autour de mon poids. Des douleurs de règles ? Il faudrait maigrir. Une carie ? C’est parce que j’ai mangé trop de bon­bons. Ma vue qui baisse ? Est-ce que j’ai déjà essayé de faire un régime ?
Selon Wikipé­dia : « L’obésité est une mal­adie non trans­mis­si­ble qui se car­ac­térise par un excès de graisse cor­porelle résul­tant d’un apport énergé­tique issu de l’alimentation large­ment supérieur aux besoins de l’individu con­cerné. » Et pour citer la poétesse afro-fémin­iste Kiyémis, je sais que cette patholo­gie est « votre pire cauchemar ». Pour­tant mon prob­lème n’est pas d’être dev­enue grosse mais d’être méprisée et mal soignée à cause de ma cor­pu­lence, et il tient en une for­mule math­é­ma­tique toute puis­sante : l’indice de masse cor­porelle. Ou en trois let­tres : IMC.

Cet indice se cal­cule en divisant votre poids (en kilos) par votre taille au car­ré (en mètre). Il a été inven­té en 1832 par un sci­en­tifique belge – mais pas un médecin – Adolphe Quetelet, dans le cadre de sa quête sta­tis­tique de « l’homme moyen ». L’époque est alors aux men­su­ra­tions et clas­si­fi­ca­tions anthro­pométriques. Il s’agit de pos­er une norme, d’évaluer des déviances, et d’établir un lien entre critères phys­i­ologiques et com­porte­men­taux : c’est ain­si que le crim­i­no­logue français Alphonse Bertillon mesure et fiche le corps des délinquant·es récidi­vistes pour mieux les iden­ti­fi­er.

Pénaliser celles et ceux qui s’éloignent de la norme

Au siè­cle suiv­ant, des com­pag­nies d’assurances – tou­jours pas des médecins – s’intéressent à l’IMC comme un out­il pour fix­er leurs tar­ifs, avec cette idée qu’il est néces­saire de pénalis­er les per­son­nes dont la cor­pu­lence s’écarte de la « moyenne » respectable. En 1959, la com­pag­nie améri­caine Met­ro­pol­i­tan Life Insur­ance définit une clas­si­fi­ca­tion des IMC : au-delà de 25 kg/m², vous êtes considéré·e comme en sur­poids, et obèse si vous dépassez les 29,9 kg/m². L’obésité dite « sévère » com­mence à 35 kg/m². Au-delà de 40 kg/m², elle est qual­i­fiée d’« obésité mas­sive ». Et peu importe si l’IMC ne prend en compte ni la masse mus­cu­laire et osseuse, ni la répar­ti­tion des graiss­es, ni la dif­férence de mor­pholo­gie entre les femmes et les hommes, ni l’âge, et encore moins le vécu de chacun·e. Aucune des réal­ités matérielles de notre corps n’entre en con­sid­éra­tion dans cette bête for­mule math­é­ma­tique.

Je suis, pour ma part, en « obésité sévère » depuis des années, un ver­dict pondéral qui me con­damne, à chaque con­tact avec l’institution médi­cale, à n’être réduite qu’à mon poids. Et ce, même si l’IMC n’a jamais été un véri­ta­ble out­il de mesure de la bonne san­té. Car cette médecine relève autant du soin que de la « nor­mal­i­sa­tion phys­i­ologique », comme le rap­pelle la soci­o­logue Solenne Carof, autrice de Grosso­pho­bie. Soci­olo­gie d’une dis­crim­i­na­tion invis­i­ble, faisant ici appel à un con­cept dévelop­pé par le philosophe et médecin – enfin un ! – Georges Can­guil­hem et à son ouvrage Le Nor­mal et le Pathologique.

Dans le Bondy Blog, une cer­taine Jeanne témoigne d’un vécu sim­i­laire au mien : « Je suis allée con­sul­ter une endocrino­logue parce que j’avais des prob­lèmes hor­monaux. Elle m’a dit que c’était de ma faute parce que j’étais grosse […] Je lui ai dit que j’avais des trou­bles du com­porte­ment ali­men­taire. Elle m’a répon­du qu’avec un peu de volon­té, ça se réglait. » Je me sens moins seule en la lisant, même si ça ne résout rien au moment de con­sul­ter. Les sièges aux accoudoirs un peu trop rap­prochés, la table d’examen qui bouge et couine lorsque je m’y installe. L’appréhension du moment où on me félicit­era d’avoir une ali­men­ta­tion équili­brée, comme si je n’en avais pas l’air, où on me sug­gér­era que ce serait une bonne chose que j’envisage de maigrir à un moment, quand même…

Mon corps n’est ni une punition ni un choix

Récem­ment, alors que j’attendais mon tour au bureau des entrées d’une clin­ique pour véri­fi­er qu’un deux­ième can­cer n’allait pas venir me pour­rir la vie, j’ai réal­isé que ce sont les reproches liés à ma grosseur que j’appréhendais en pre­mier lieu. Dans la salle d’attente, j’ai remar­qué que cette clin­ique pra­ti­quait aus­si la chirurgie baria­trique (ou chirurgie de l’obésité) et je me suis sur­prise à être soulagée qu’on ne m’ait jamais pro­posé cette opéra­tion, con­sis­tant à mod­i­fi­er le sys­tème diges­tif au moyen d’un anneau gas­trique ou d’une inter­ven­tion chirur­gi­cale, dans le but de faire per­dre du poids. À vrai dire je ne sais pas com­ment je réa­gi­rais si ça arrivait un jour – j’imagine que je bal­aierais cette invi­ta­tion avec un sourire ironique, comme chaque fois que je vis une sit­u­a­tion malaisante : « Mais de quel sur­poids par­lez-vous ? » (Pour dis­siper d’éventuels doutes : j’ai par­faite­ment con­science de ma cor­pu­lence, com­ment pour­rais-je l’ignorer ?)

Lire aus­si : L’invention du « sum­mer body » : un siè­cle d’injonctions sex­istes à la plage 

Je pense à toutes ces per­son­nes gross­es, lassées d’être humil­iées à chaque ren­dez-vous, déshu­man­isées au point de se faire pro­pos­er des exa­m­ens en clin­ique vétéri­naire, qui renon­cent à se faire soign­er, nour­ris­sant mal­gré elles le mythe per­sis­tant du gros tas inca­pable de pren­dre soin de lui-même, par fainéan­tise ou stu­pid­ité. Je pense à la pandémie de Covid-19 durant laque­lle les gros·ses ont été rendu·es respon­s­ables de la sat­u­ra­tion des ser­vices de réan­i­ma­tion et moqué·es jusque dans leur mort. « Les grosso­phobes lorsqu’ils se “lâchent” sur les réseaux soci­aux, expliquent que si les obès­es sont plus à risques face à ce virus, c’est prob­a­ble­ment de leur “faute”, parce qu’ils feraient “exprès” de rester “gros” », alerte Agnès Morin, direc­trice et cofon­da­trice de la Ligue con­tre l’obésité.

Mon gros corps n’est pas une puni­tion ni un choix qui vis­erait à com­pli­quer ma prise en charge par les per­son­nes qui me soignent. « Quand les con­ver­sa­tions [entre soignant·es et patient·es] com­men­cent à devenir des reproches, la rela­tion com­mence à dérap­er », rap­pelle l’association Gras Poli­tique dans une brochure sur la prise en charge médi­cale des per­son­nes en sur­poids. Faites-nous de la place dans vos cab­i­nets, écoutez-nous sans pré­sumer de notre état et de nos besoins au pre­mier regard. Ce sera déjà un bon début. •

Cette chronique de Lucie Inland (lire sa bio page 144) est la pre­mière d’une série de qua­tre.

Les mots importants

Grossophobie

La grosso­pho­bie désigne l’ensemble des phénomènes...

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Lucie Inland

Journaliste indépendante et autrice, elle s'intéresse à des sujets tels que les discriminations, la prison, les animaux de compagnie ou encore la mort. Elle puise dans ses propres expériences pour nourrir ses articles. Voir tous ses articles

Avorter : une lutte sans fin

Pour la rem­plir la sec­tion “con­texte de la pub­li­ca­tion” en bas de page : Retrou­vez cet arti­cle dans la revue La Défer­lante n°13 Avorter, paru en mars 2024. Con­sul­tez le som­maire.


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