🍹La Déferlante à l’heure estivale

Le rythme ralentit, les apéros en terrasse se font de plus en plus réguliers : que vous partiez ou non en vacances, on vous propose de profiter de ces semaines pour lire à l’ombre, écouter des podcasts dans votre lit ou aller vous rafraî­chir au cinéma. Toute l’équipe de La Déferlante partage avec vous ses coups de cœur, une sélection de qualité mêlant sorties récentes ou œuvres incon­tour­nables. À vous de jouer !

par

Publié le 31/07/2025

🩴→ Delphine Saltel, « Chacun son beauf : à quoi sert le mépris de classe ? », Arte Radio, 3 juillet 2025.
🩴→ Delphine Saltel, « Chacun son beauf : à quoi sert le mépris de classe ? », Arte Radio, 3 juillet 2025.

Découvrez la revue La Déferlante n°19 « S’informer en fémi­nistes », parue en septembre 2025. Consultez le sommaire.

🍒
On lit

Ma sorcière déjantée

Ancolie est une sorcière de 27 ans qui trompe une existence ter­ri­ble­ment ennuyeuse en picolant dès le petit déjeuner, en couchant avec Loïc – son ex toxique – et en écumant les bars. Mais, à l’approche du Congrès annuel des sorcières, elle apprend que son mode de vie scan­da­lise le Haut Conseil. Pour éviter l’excommunication, elle se lance dans un défi « un peu hippie-neuneu » : fabriquer un sortilège d’empathie pour enrayer la montée du fascisme, la fracture sociale, les super profits et la pollution des nappes phréa­tiques.
Après La vie est une corvée (Exemplaire, 2023), Ernestine (Même pas mal, 2024) et Peur de mourir mais flemme de vivre (Exemplaire, 2025), le quatrième album de bande dessinée de Salomé Lahoche res­sus­cite son double maléfique sous les traits, cette fois-ci, d’un per­son­nage de fiction. Elle nous embarque dans un univers trash et baroque au pouvoir hautement hilarant.

🧙🏼‍♀️ → Salomé Lahoche, Ancolie, Glénat, 2025. 23 euros.

Une histoire personnelle du VIH

« Ma mère s’appelle Blanche. Elle a 58 ans […] Elle aime la nature, lire, accrocher des citations dans ses WC. […] Elle continue de dés­in­fec­ter les toilettes derrière elle… » Ainsi commence Blanche, le poignant récit graphique de Maëlle Reat. L’autrice raconte sa mère, séro­po­si­tive depuis l’âge de 20 ans. Construite comme un entretien entre mère et fille, la bande dessinée déroule les fragments d’une existence traversée par la drogue, la stig­ma­ti­sa­tion, la peur, le secret, mais aussi par l’amour, la maternité, l’humour, les liens familiaux et le soutien d’associations comme AIDES. Avec finesse, Maëlle Reat lie l’histoire indi­vi­duelle de Blanche à celle, plus col­lec­tive, des porteurs et porteuses du VIH en France des années 1980 jusqu’à aujourd’hui.

🦠 → Maëlle Reat, Blanche, Glénat, 2025. 26 euros.

Une vie de stripteaseuse

Quand Antonia Crane pousse, pour la première fois, la porte d’un strip-club cali­for­nien à la fin de son ado­les­cence, elle n’a pas spé­cia­le­ment envie d’y tra­vailler, s’entend bien avec sa mère et ne crève pas de faim. Jeune étudiante, elle a quitté le foyer familial fragilisé par la dépen­dance de son frère à l’héroïne et un beau-père auto­ri­taire et les­bo­phobe. Mais elle doit payer son loyer. Dans un style cru mais jamais voyeur, l’autrice – qui a participé à la création du premier syndicat de strip­tea­seuses aux États-Unis en 1996 – raconte la tra­vailleuse du sexe lesbienne toxi­co­mane qu’elle a été. Sans l’idéaliser, elle présente le travail du sexe comme un terrain paradoxal de reprise de pouvoir sur sa vie et sur son corps, donnant à voir une sororité des marges rarement mise en lumière. Partageant son parcours sur des chemins de traverse jalonnés d’émotions et riches d’aspérités, elle dresse aussi, en creux, le triste portrait d’une classe moyenne blanche états-unienne fracassée par son absence d’avenir.

 🔥 → Antonia Crane, Consumée, tra­duc­tion de Michael Belano, éditions 10/18, 2023. 8,90 euros.

Promesse non tenue

Sociologue peinant à « fré­quen­ter faci­le­ment un monde » et ses ins­ti­tu­tions de pouvoir « telles que l’hétérosexualité, la famille et l’université », Fatma Çıngı Kocadost nous embarque dans une explo­ra­tion féministe de l’hétérosexualité observée depuis les quartiers popu­laires où évoluent les jeunes femmes d’origine magh­ré­bine. Accessible, riche, incarné et tendre, cet essai vient rappeler l’urgence d’un débat dans le mouvement féministe : ses impasses libérales, les contra­dic­tions du présent, mais aussi les pos­si­bi­li­tés col­lec­tives qui affleurent dès qu’on l’en­vi­sage comme une lutte pour l’émancipation de toutes et tous.

👰🏽 → Fatma Çıngı Kocadost, La promesse qu’on nous a faite, éditions de l’EHESS, 2025, 288 pages. 15 euros.

🍋
On écoute

Chacun·e son beauf

Dans le dernier épisode en date de sa série audio, Vivons heureux avant la fin du monde, Delphine Saltel s’intéresse à la figure repous­soir du beauf, récemment explorée par Rose Lamy, dans son essai Ascendant beauf (Le seuil, 2025). Tricotant la parole de l’autrice féministe avec celle du socio­logue Félicien Faury, auteur d’une enquête sur l’électorat d’extrême droite, et de la réa­li­sa­trice Delphine Dhilly, née dans une famille d’éleveurs de porcs dans l’est de la France, elle interroge les méca­nismes du mépris de classe. Comme toujours, dans ses docu­men­taires audio, Delphine Saltel, fille de médecin parisien, admet volon­tiers ses propres préjugés. Elle en fait le matériau premier d’une réflexion lucide et enthou­siaste à laquelle on prend part avec beaucoup de plaisir.

🩴→ Delphine Saltel, « Chacun son beauf : à quoi sert le mépris de classe ? », Arte Radio, 3 juillet 2025.

🩴→ Delphine Saltel, « Chacun son beauf : à quoi sert le mépris de classe ? », Arte Radio, 3 juillet 2025.

🍍
On regarde

Mariages de raison

Lucy (Dakota Johnson) est une entre­met­teuse pro­fes­sion­nelle qui évolue au sein des beautiful people new-yorkais·es dans le but de réaliser le match parfait. Pour elle comme pour ses client⋅es fortuné⋅es, un mariage réussi repose sur la rencontre, non pas de deux personnes qui tombent amou­reuses, mais de patri­moines géné­tiques (grande taille pour les hommes, minceur pour les femmes) et finan­ciers qui, mis en commun, assu­re­ront sur le long terme, la pros­pé­ri­té et le rayon­ne­ment social du couple. Évidemment, les cer­ti­tudes de Lucy vacillent lorsqu’au cours d’une même soirée, elle rencontre le très smart et fortuné Harry (Pedro Pascal) et recroise John (Chris Evans) son amour de jeunesse fauché comme les blés. Sous l’apparence d’une comédie roman­tique un peu idiote, le film est en réalité une critique féroce de ce que le capi­ta­lisme fait au couple, doublé d’une satire grinçante de la mas­cu­li­ni­té dominante.

💍→ Celine Song, Materialists, 2025. En salle actuellement.

🥝
Exposition

L’image comme engagement

Des années 1970 aux années 2000, la Française Marie-Laure de Decker était l’une des rares femmes pho­to­jour­na­listes à tra­vailler sur les terrains de guerre. Au Tchad, au Vietnam, au Yémen, en Palestine, elle a pho­to­gra­phié les « à‑côtés » de la guerre : les soldats au repos, la pros­ti­tu­tion à l’arrière des lignes de front. Engagée en faveur des mou­ve­ments sociaux et de libé­ra­tion, elle pho­to­gra­phie également des mili­tantes fémi­nistes dans les années 1970 ou encore l’écrivaine Annie Ernaux. Mais, au sein de la rétros­pec­tive que lui consacre la Maison euro­péenne de la photo, le plus sai­sis­sant sont ses auto­por­traits, réalisés tout au long de sa carrière. De ses débuts dans des chambres d’hôtel à l’étranger, jusqu’aux dernières années de sa vie, en passant par ses gros­sesses et l’arrivée de ses enfants, elle documente à travers le miroir, sa condition de femme photographe.

📸 → Marie-Laure de Decker, expo­si­tion « L’image comme enga­ge­ment », à la Maison euro­péenne de la pho­to­gra­phie (Paris), jusqu’au 28 septembre 2025.

S’informer en féministes : face à l’offensive, la contre-attaque

Découvrez la revue La Déferlante n°19 « S’informer en fémi­nistes », parue en septembre 2025. Consultez le sommaire.